Regenix : un bioréacteur québécois pour produire des greffons humains

Face à la rareté d’organes pour la transplantation, un doctorant en génie chimique de l’Université de Sherbrooke met au point un bioréacteur capable de fabriquer des tissus humains à partir des cellules des patients. Son entreprise, Regenix Biotechnologies, ambitionne d’implanter des unités de biofabrication dans les hôpitaux pour produire des greffons personnalisés sur place.

Tout a commencé il y a trois ans, lors d’un stage de Matthew Adams au Laboratoire de bio-ingénierie et de biophysique de l’Université de Sherbrooke (UdeS), dirigé par Patrick Vermette. « C’est lui qui m’a inspiré à développer un projet en médecine régénérative, un domaine qui m’intéressait déjà », raconte-t-il. D’où l’idée de fabriquer des tissus humains à partir des cellules du patient.

L’approche présente deux avantages majeurs : elle réduit fortement le risque de rejet et le besoin d’immunosuppression, tout en éliminant l’attente d’un donneur compatible.

Le foie comme point de départ

Le bioréacteur est conçu pour reproduire la structure d’un organe, y compris sa vascularisation. « Il faut créer des canaux de perfusion, comme des veines et des artères, pour alimenter les cellules en oxygène et nutriments », explique Matthew Adams.

La jeune pousse concentre d’abord ses efforts sur le développement d'un greffon hépatique, un choix stratégique en raison de la capacité naturelle du foie à se régénérer. Le greffon ne serait pas permanent, mais servirait de « pont thérapeutique » pour maintenir les fonctions vitales à un niveau suffisant jusqu’à la greffe. Il pourrait aussi soutenir les patients ayant subi l’ablation partielle d’un foie malade, en attendant que l’organe se régénère, explique Matthew Adams.

Pour concevoir ce dispositif, ce dernier travaille en collaboration avec une équipe multidisciplinaire d’étudiants en génie mécanique, robotique, informatique et électrique. Leur mission : livrer un bioréacteur commercialisable d’ici l’automne. « « Il faut plusieurs expertises. Même un stagiaire en génie civil a contribué à la conception des canaux de perfusion, en s’inspirant des réseaux d’aqueduc », illustre-t-il », souligne Matthew Adams.

L’IA au service de la culture cellulaire

Le projet bénéficie aussi d’une collaboration étroite avec des experts en pathologie, chirurgie, microbiologie de même qu’en intelligence artificielle avec le professeur Ergys Pahija, qui développe des algorithmes capables de prédire la croissance cellulaire et d’optimiser les cycles de culture.

« L’IA peut nous signaler dès les premiers jours si une culture va échouer, ce qui évite de gaspiller du temps et des ressources. Elle peut aussi anticiper le moment où le nombre de cellules serait optimal pour passer aux étapes suivantes », précise Matthew Adams.

Soutien et perspectives de marché

Regenix a déjà reçu plusieurs appuis financiers, notamment du programme d’accélération Mitacs et de ThéCell, le réseau de thérapie cellulaire, tissulaire et génique du Québec. La jeune pousse a également bénéficié d’une bourse de Genium AGIR qui a permis l’achat d’équipement comme des sondes optiques non invasives capables de mesurer en temps réel le pH, l'oxygène ou la température des tissus en culture.

Son modèle d'affaires repose sur deux volets : la vente de plateformes de bioréacteur destinées à la recherche, proposées à environ 100 000 $ — un prix accessible comparativement aux systèmes existants qui coûtent entre 250 000 $ et 600 000 $ — et le développement d'une version certifiée conforme aux bonnes pratiques de fabrication pour la production de tissus en vue d’une transplantation.

Pour débuter, Regenix vise les universités québécoises dotées de laboratoires spécialisés afin de bâtir un réseau local avant de s’étendre en Amérique du Nord. Matthew Adams espère que son innovation sortira bientôt du cadre universitaire pour servir concrètement la médecine régénérative. Malgré les obstacles réglementaires, sa motivation reste intacte : « Offrir aux patients une solution tangible née de la recherche. »

 

Revenir au dossier AGIR pour stimuler l'innovation

Abonnez-vous à nos infolettres pour ne rien manquer