Marie-Eve Sigouin, une ingénieure forestière près de la nature et des gens

Première femme à recevoir la distinction Ingénieure forestière de l’année, Marie-Eve Sigouin s’avère une leader dynamique et une conciliatrice hors pair dans sa région natale, l’Abitibi-Témiscamingue.

Ce prix souligne le succès d’une rencontre fédératrice organisée par Marie-Eve Sigouin et qui a eu lieu en décembre 2019 à Pikogan : le Forum transfrontalier sur le caribou forestier. L’événement a rassemblé des acteurs clés du Québec et de l’Ontario, dont huit communautés autochtones, afin de mettre en commun savoirs et actions pour protéger la harde de Détour-Kesagami.

La consultation de groupes aux intérêts parfois opposés est une facette méconnue du travail d’aménagement du territoire forestier. « Le côté humain, ce n’est pas écrit dans le cursus! lance en riant la Rouynorandienne. Souvent, on va recommander ces professions aux gens qui sont capables d’être seuls longtemps dans la forêt, à des introvertis. Ça peut surprendre quand on te dit : “Tu dois aller parler aux chasseurs! Et après, au gouvernement!” »

Près de la nature, entre le pragmatisme et la créativité

Quant à elle, Marie-Eve Sigouin a découvert la technique en foresterie lors d’une séance d’orientation à la fin du secondaire. Elle ne connaissait pas ce métier, mais le contact avec la nature allait de soi : « Je savais que j’aimais l’écologie. Et mon background familial est très camping et scoutisme. »

Par la suite, elle a obtenu un baccalauréat en aménagement et environnement forestier à l’Université Laval, puis une maîtrise en biologie.

C’est aussi à l’adolescence que l’orienteur lui présente, perplexe, les résultats d’un test de personnalité : moitié réaliste, moitié artiste. Deux opposés? Plutôt des forces complémentaires, selon l’ingénieure. « Avec le recul, je vois très bien comment le pragmatisme et la créativité s’intègrent dans la foresterie. Ce n’est pas une science dure et fermée. Il faut naviguer entre le social, l’économie et l’écologie. C’est un bon profil pour trouver cet équilibre. »

Faire émerger les solutions

Dans ses fonctions de directrice Foresterie, Québec chez Matériaux innovants Rayonier, elle coordonne la mise en application de stratégies d’aménagement durable tout en tenant compte des politiques et des certifications environnementales et forestières en place.

Un rôle rempli de contraintes dans lequel sa créativité est très sollicitée : « On est toujours à la recherche de compromis. Pour catalyser une discussion qui tourne en rond, je pose des questions, je suis curieuse, je dessine au tableau. Je suis toujours prête à explorer d’autres avenues. »

L’importance de la solidarité féminine

Ce sont cinq ingénieures du Service canadien des forêts ayant assisté au forum de Pikogan qui ont proposé la candidature de Marie-Eve Sigouin comme Ingénieure forestière de l’année. Elle a ensuite été élue par ses pairs, toutes spécialisations confondues. « La reconnaissance populaire, ça me fait plaisir, reconnaît-elle. Mais ce qui me touche le plus, c’est que ces femmes apprécient mon travail. »

L’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec ne compte que 17 % de femmes. Marie-Eve Sigouin pose des gestes concrets pour soutenir ses consœurs et leur donner de la visibilité, que ce soit en encourageant des recrues à prendre la parole ou en veillant à ce que les offres d’emploi soient rédigées de manière inclusive.

Elle donne aussi des conférences pour démystifier la foresterie. « Le fait que ce soit un métier “non traditionnel” ne devrait pas être un frein. On est à la bonne place si on fait ce qu’on aime. »

Si bien chez soi

Née à Ville-Marie, Marie-Eve Sigouin éprouve un attachement tout particulier pour l’Abitibi-Témiscamingue. « J’aime les paysages. J’aime le territoire, le beau comme le laid. Ce n’est pas mieux qu’ailleurs, mais c’est chez nous. »

Comme son arrière-grand-père avant elle, arrivé à Taschereau en construisant le chemin de fer, elle contribue au développement durable de sa région, à sa façon.

Photo de couverture: Marie-Eve Sigouin, ingénieure forestière