Quand invention rime avec commercialisation : entretien avec Caroline Boudoux

« La nécessité est la mère de l’invention », dit le proverbe. Dans le cas de Caroline Boudoux, on pourrait ajouter « et l’invention est la voie vers l’entrepreneuriat ».

Caroline Boudoux est professeure titulaire à Polytechnique Montréal, où elle est responsable du Laboratoire d’imagerie et diagnostic optique depuis 2008. C’est d’ailleurs une invention issue de son laboratoire qui est à l’origine de l’entreprise qu’elle a cofondée, Castor Optics.

Celle qui ne pensait jamais devenir cheffe d’entreprise s’est mise « au service de l’invention », prenant le chemin de la commercialisation pour en faciliter le déploiement et la rendre accessible à quiconque pourrait en profiter, particulièrement le monde de l’imagerie médicale. Car il s’agit là d’une percée majeure.

Une technologie facilitante

Très tôt, le marché a démontré son intérêt pour ce nouveau produit en fibre optique, une innovation que Caroline Boudoux qualifie de « saut quantique » dans le monde des coupleurs, des dispositifs permettant de rassembler différents signaux optiques. « En plus d’améliorer l’imagerie par un facteur de 100, c’est une technologie dite facilitante, précise-t-elle. Elle nous permet de penser à des choses qu’on n’aurait pas pu imaginer avant. »

Aujourd’hui, la clientèle de Castor Optics est composée à 50 % de laboratoires universitaires et de chercheurs qui conçoivent des techniques d’imagerie médicale. L’autre moitié est également constituée de chercheurs, mais ceux-ci travaillent pour des entreprises de toutes tailles, « de la start-up aux très, très grandes organisations »!

D’inventrice à cheffe d’entreprise

Univalor, société de valorisation de la recherche scientifique à l’Université de Montréal, a accompagné Caroline Boudoux et Nicolas Godbout, son collègue chercheur du Laboratoire d’imagerie et diagnostic optique et l’un des cofondateurs de Castor Optics, dans le choix de la meilleure stratégie d’affaires. « Il y a des gens qui nous ont aidés à rêver », souligne la diplômée du Massachusetts Institute of Technology, faisant allusion aux précieux investisseurs qui ont alimenté autant les coffres que la vision de la nouvelle entreprise.

L’inventrice avait appréhendé la courbe d’apprentissage nécessaire pour démarrer Castor Optics. « Je me suis dit que j’allais apprendre ce qu’il faut et m’entourer des bonnes personnes pour qu’ensemble on puisse amener l’innovation à maturité. » Huit ans plus tard, elle assume pleinement son rôle. « Maintenant, je peux dire que je suis entrepreneure. »

Depuis la création de l’entreprise, en 2013, les leçons ont évidemment été nombreuses. Caroline Boudoux mentionne d’emblée l’aspect financier. « Pour bâtir quelque chose de pérenne, il faut avoir des revenus. Sans ressources pour payer les employés, impossible de faire rouler la manufacture, mais aussi de soutenir la recherche et le développement à l’interne. »

Quand la culture d’entreprise s’invite au laboratoire

Autre apprentissage majeur : les ressources humaines. La culture d’entreprise est un concept avec lequel elle s’est familiarisée. « Tu dois t’interroger : quelles sont les valeurs de base de l’entreprise? Chez Castor, on est très centré sur l’humain et on laisse beaucoup d’espace à la créativité. C’est essentiel en recherche. »

Caroline Boudoux a vu les avantages d’une culture d’entreprise claire sur le recrutement et le bien-être des employés, si bien qu’elle a importé la pratique dans son laboratoire universitaire. Elle explique : « Cela m’évite de faire des erreurs d’embauche. À Polytechnique, il n’y a pas de mauvais étudiants, mais on peut avoir de mauvais matchs. »

Démystifier le génie pour décupler ses retombées

En plus des chapeaux de cheffe d’entreprise, de professeure et de chercheuse, Caroline Boudoux porte également celui d’autrice de livre d’enseignement. « Il n’y en avait aucun dans la matière que j’enseigne, alors je l’ai écrit. »

En rédaction de son quatrième livre, elle réfléchit à des moyens d’avoir une influence plus grande sur la société et d’augmenter la portée de l’innovation en génie. « Le rôle de l’ingénieur est méconnu. Comment inspirer des gens à étudier en génie et ainsi à participer à la prospérité de la société québécoise? » 

Photo de couverture: Caroline Boudoux, professeure à Polytechnique Montréal | crédit : Caroline Perron

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