Quel rôle pour les professionnels en génie dans l’adoption du BIM?

Érik Poirier se spécialise dans des programmes qui visent l’accompagnement des petites et moyennes entreprises de l’industrie de la construction pour prendre le virage numérique au Québec. En lien avec son expertise dans le domaine de l’architecture, il occupe des postes de directions au sein de différentes institutions : Initiative Québécoise pour la construction 4.0, Groupe BIM du Québec et BuildingSmart Canada.

Selon Érik, ne pas faire le virage numérique, n’est pas une option pour les PME ! Découvrez le point de vue de cet expert en innovation numérique pour le développement du secteur de la construction.

À quel moment de votre parcours avez-vous compris l’importance de l’innovation numérique pour le développement du secteur de la construction ?  

« Suite à l’obtention de mon diplôme en 2007, j’ai tout de suite été exposé à des programmes de modélisation. J’ai réalisé plusieurs projets avec un mode de fonctionnement et de gestion traditionnel. Quand on est dans un environnement bidimensionnel, il y a beaucoup d’erreurs de coordination, des délais en chantier et des extras qui s'ajoutent à la facture. On était confronté à ce type de difficultés parce que l’information n’était pas la bonne ou qu’elle n’était tout simplement pas accessible.

En 2007, j’ai rapidement été exposé au BIM. Depuis ce temps-là, je n’ai pas regardé ailleurs ! J'en suis convaincu, l’investissement en numérique est nécessaire pour aider à accroître la qualité de l’information et du produit livrable. »

Comment évaluer la portée du BIM dans un projet de construction ?

« La portée du BIM dans un projet de construction fait référence au cycle de vie complet d’un actif. Donc les décisions, les choix qu’on fait, l’information qu’on y intègre sont maintenant pensés en fonction de la réalisation et de l’exploitation.

De plus, le BIM influence les livrables numériques qui sont attendus par les différentes parties prenantes du projet. Il a également un impact sur le processus de coordination de l’équipe projets.  En ce sens, il y a un changement au niveau de la méthode de travail qui devient collaborative et la prise de décision conjointe.

En définitive, le BIM ne change pas les obligations et les responsabilités des différents acteurs. Toutefois, l’effort est redirigé vers la productivité, la production de documents et de l’information sous support numérique en temps et lieux. Le BIM transforme fondamentalement comment les acteurs du projet interagissent avec l’actif, le produit. Cela change la façon dont les acteurs de projets collaborent et communiquent ensemble. »

Le BIM est-il essentiel pour la réussite du secteur de la construction au Québec ?

« Est-ce que l’on peut dire que l’industrie de la construction au Québec ne réussit pas ? La réponse est non. En effet, on a construit des barrages hydro-électriques dans les années 70 et la Place Ville-Marie qui sont des exemples probants de réussite. Il faut se rappeler que pour ces projets, les dessins étaient faits exclusivement à la main. On a également réussi à construire le Stade Olympique. Est-ce que le BIM est nécessaire pour réussir des infrastructures ou des environnements bâtis ? Non, parce qu’on a des exemples de réussites bien avant sa création. »

Érik Poirier, directeur de l'Initiative Québécoise pour la construction 4.0, vice-président du Groupe BIM du Québec

« Quand on parle de réussite, on parle d'accroître la valeur qu'on crée, la qualité et la durabilité de l'environnement bâti. C’est là que le virage numérique prend tout son sens. On va livrer les meilleurs bâtiments, plus rapidement, à moindre coût. On va créer plus de valeurs rapidement pour le Québec à travers des stratégies qui sont supportées par le virage numérique. Donc, non, le BIM n'est pas essentiel pour la réussite du secteur, mais il est absolument essentiel pour accroître sa valeur ! »

Comment ajuster les rôles et les responsabilités dans le cadre d’un projet intégrant le BIM ?

« C’est une grosse question, il y a beaucoup de débat là-dessus, autour des rôles et responsabilités. Il y a une école de pensée qui dit que le BIM impose des nouveaux rôles et responsabilités donc, on voit apparaître des gestionnaires BIM, une panoplie de rôles BIM. Ce sont donc des rôles qui sont en dehors de la pratique courante. Je ne souscris pas à cette école de pensée.

Le BIM, c’est un changement de paradigme, c’est une technologie de rupture. Donc, pour nous, les rôles sont des rôles courants comme le rôle de technicien, chargé de projets, rôle d’ingénieur, etc., qui sont appelés à changer radicalement. Cela est supporté par le BIM. En réalité, c’est un passage de comment il effectue ses tâches, c’est là que ça change ! Dans un environnement 3D qui est connecté, qui est un écosystème. Le rôle demeure le même, l’objectif demeure le même. Ce qui change c’est produire, supporter la production d’informations pour la réalisation de projet.

C’est la même affaire pour un ingénieur en structure ou en bâtiments, son rôle c’est de créer, de faire une construction qui est de qualité et qui est sécuritaire selon son code de déontologie. Son rôle fondamentalement va pas changer, c’est juste les outils qui vont changer puis comment il va supporter ce rôle qui vont changer. 

Professionnels en génie et BIM : l'évolution des rôles

Au niveau des responsabilités, c’est la même affaire. L’ingénieur est responsable de l’information qu’il doit produire et communiquer ; que ça soit sur un médium-papier ou dans une maquette. Le BIM ne change pas cette notion de responsabilité. Où est-ce que ça change c’est au niveau des interactions et comment est-ce qu’il a besoin d’avoir une meilleure structure et d’avoir une meilleure compréhension de travailleur dans un écosystème partagé. C’est plus au niveau des procédures et des pratiques d’affaires qui vont changer plutôt que les rôles et les responsabilités.

Ceci étant dit, quand on regarde ailleurs dans la chaîne de responsabilités, c’est sûr qu’il y a certains rôles qui vont apparaître comme les rôles de modélisateurs. Il y a maintenant des sous-traitants qu’on paye pour la modélisation. On engage des modélisateurs pour créer des maquettes, pour supporter la préfabrication par exemple.

Les rôles et responsabilités demeurent les mêmes. En revanche, c’est surtout la façon d'exercer la pratique qui change (et qui continuera à changer).

Photo de couverture par Elvir K via Unsplash.

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