La circularité progresse dans l’industrie de la construction
L’industrie de la construction pollue énormément, mais des changements d’habitudes sont tranquillement apprivoisés. Et les avantages sont tant écologiques qu’économiques.
C’est le message d’Alice Rabisse, chargée de projet pour le Lab Construction au Centre d’études et de recherches intersectorielles en économie circulaire (CERIEC) de l’École de technologie supérieure (ÉTS). Les travaux de ce laboratoire démontrent, par des projets d’expérimentation innovants et en rassemblant les parties prenantes, qu’on peut intégrer et généraliser des stratégies circulaires en construction au Québec.
« Grâce à la collaboration de chercheurs et de représentants de l’industrie, nous travaillons sur 19 projets d’expérimentation sur toute la chaîne de valeur, explique-t-elle. On établit qu’à chaque étape du cycle de vie, il est possible d’utiliser moins de ressources, ce qui se traduit par la diminution des GES issus des matières envoyées à l’enfouissement ou des activités de démolition et de rénovation. »
Car l’industrie de la construction serait responsable de 42 % des émissions de GES au pays et générerait le tiers des déchets solides, soit 3,5 millions de tonnes annuellement, issues principalement des résidus de construction et de démolition, selon diverses sources.
Le CERIEC a défini 12 stratégies circulaires et les a adaptées au monde de la construction. « Nous sommes à l’étape de la preuve de concept, reprend Alice Rabisse. Les pratiques existent, mais c’est complexe de les intégrer sur le terrain. »
Le CERIEC ratisse large : on doit adapter les exigences réglementaires, adopter des matériaux facilitant le démontage et le recyclage, instaurer de nouvelles pratiques de construction et de démolition ainsi que des chaînes locales de revalorisation. Et, surtout, démontrer les avantages liés au fait de démonter un bâtiment et de réutiliser les matériaux, plutôt que de le raser et d’envoyer les déchets dans des dépotoirs (dont les coûts ne cessent d’augmenter).
Matériaux appropriés
Par exemple, les chercheurs travaillent sur la traçabilité des matériaux de construction afin d’évaluer leur potentiel de récupération. « Il y a une valeur certaine dans les composants des bâtiments, ajoute-t-elle. Mais les techniques de déconstruction sont complexes et nécessitent certains apprentissages. »
Alice Rabisse donne l’exemple d’un duplex circulaire érigé à Montréal et, surtout, de projets de déconstruction, en juillet 2022, d’édifices municipaux (un immeuble abandonné et quatre bâtiments de bois) situés à Chandler et Grande-Rivière par la Régie intermunicipale de traitement des matières résiduelles de la Gaspésie. La déconstruction des quatre bâtiments de bois a permis de récupérer 135 tonnes de matériaux.
« Ils ont établi un impressionnant taux de réemploi de 70 % à un coût équivalent à la démolition traditionnelle, retient Alice Rabisse. Mais le projet a demandé le leadership assidu d’une personne désignée pour accompagner l’entrepreneur, qui adhérait au départ à cette approche. » Ce type de projet implique l’aménagement du site pour stocker et conditionner les matériaux ainsi que l’identification des repreneurs locaux.
Les travaux des chercheurs démontrent que le désassemblage et la déconstruction sont des techniques réalistes, malgré leur complexité. Ceux qui s’y adonnent découvrent leurs avantages environnementaux et économiques.
« Nous sommes rendus à l’étape de la transmission des connaissances : donneurs d’ouvrage, architectes, ingénieurs, promoteurs et entrepreneurs ne doivent pas être laissés à eux-mêmes. Mais on perçoit une sensibilité dans l’industrie, qui découvre la rentabilité de cette approche, tout de même lente à s’installer », conclut Alice Rabisse.
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