Décarbonisation des bâtiments : vers la carboneutralité
« La consommation énergétique des bâtiments existants du Québec, c’est une grosse portion des émissions de gaz à effet de serre (GES). On n’a pas le choix de s’y attaquer si on veut se rapprocher de la carboneutralité », introduit Eddy Cloutier, expert en efficacité énergétique depuis plus de 15 ans.
Le contexte énergétique des bâtiments au Québec est une situation particulière qui demande une analyse approfondie de l’efficacité énergétique et de la décarbonisation des bâtiments existants. Le bâtiment carboneutre requiert une transition vers des sources d’énergies alternatives et des innovations écotechnologiques pour atteindre les objectifs de carboneutralité.
Atteindre 100% de carboneutralité, est-ce l’objectif?
La carboneutralité des bâtiments est considérée davantage depuis 2017 avec la norme des bâtiments à carbone zéro (BCZ) menée par le Conseil du bâtiment durable du Canada (2017) qui soutient la certification des bâtiments BCZ à faible empreinte écologique. La mise à jour de la norme en mars 2020 renforce la réduction de l’empreinte carbone des bâtiments.
« Depuis les 3 dernières années, la réduction de 80% est facile et rentable. Le 20% restant demande beaucoup d’implication pour éliminer les GES, explique M. Cloutier. Se rendre à la carboneutralité requiert une implication et un investissement important. L’approche doit être réfléchie. Par exemple, la conversion du système de chauffage au gaz à un chauffage électrique n’amène pas la plus grande économie monétaire vu l’hiver. »
Une transition vers la carboneutralité : les alternatives
La première étape est de vérifier l’efficacité énergétique des infrastructures électromécaniques existantes et d’optimiser les ressources d’énergie en fonction des cibles d’efficacité énergétique. Par exemple, un « bâtiment qui consomme 1,5 GJ/m2 /an et pour lequel nous supposons qu’une cible de consommation réaliste se situe à 1,4 GJ/m2 /an. On déduit que ce bâtiment a une efficacité énergétique de 70%, donc que le potentiel d’efficacité énergétique est de 30 %, lequel devient la cible pour ce bâtiment ». [1]
La deuxième étape est de démarrer des projets d’efficacité énergétique. Ces projets peuvent intégrer des technologies propres (écotechnologies) ou des sources énergétiques alternatives comme la géothermie, l’aérothermie ou la biomasse.
Quelles sont les performances de ces énergies alternatives? Quels sont les pour et les contres? La biomasse, est-elle réellement carboneutre? Comment doit-on choisir la source énergétique alternative d’un bâtiment pour atteindre les objectifs de carboneutralité?
« Tout part d’une très bonne compréhension des besoins et de la façon de bien s’y prendre », poursuit M. Cloutier.
Bilan énergétique vs bilan carbone
Les sources d’énergies alternatives et les écotechnologies sont favorables pour le bilan énergétique et le bilan carbone. Un bilan énergétique se réalise à partir d’un audit de la consommation d’énergie d’un bâtiment où « il faut donc regrouper toutes les factures par type d’énergie utilisée pour une période couvrant au moins les deux dernières années » [1].
La normalisation des données et la mise à jour du bilan sur une base périodique permettent de calculer notamment l’intensité énergétique d’un bâtiment. Le calcul de l’énergie opérationnelle (operational carbon) d’un bâtiment est différent de l’énergie dite grise, c’est-à-dire celle reliée à l’empreinte de carbone d’un édifice (embodied carbon). Le bilan de carbone renseigne donc sur les émissions en CO2, notamment liées aux matériaux de construction.
L’analyse du cycle de vie du bâtiment : vers la carboneutralité
L’analyse de cycle de vie de l’efficacité énergétique permet donc d’estimer l’empreinte environnementale d’un bâtiment selon la durée prévue de son utilisation. « Les bâtiments existants ont souvent des mutations. À chaque époque, il y avait des façons de construire des bâtiments avec certaines modes et souvent ça amène des enjeux pour les convertir par la suite.
Il faut une excellente vue d’ensemble et une analyse préliminaire pour discriminer des solutions », explique M. Cloutier. Ces solutions innovantes peuvent être implantées sur des projets de rénovation, d’agrandissement ou encore de construction neuve, à l’aide de simulation énergétique, de conception intégrée en construction, de stratégies de commissioning, rétro-commissioning ou de recommissioning intelligent.
Une méthode dynamique de l’analyse du cycle de vie traditionnelle permet de considérer le carbone intrinsèque (les émissions GES liées aux matières premières utilisées dans le bâtiment) et les facteurs non énergétiques tels que la localisation du bâtiment et l’accessibilité des usagers aux bâtiments.
Au-delà de la consommation énergétique, ces autres facteurs doivent être considérés comme critères décisionnels dans l’optimisation des bâtiments existants et dans les investissements vers la carboneutralité. Une formation spécialisée sur le sujet de la décarbonisation des bâtiments permet de mieux comprendre la mesure de l’efficacité énergétique d’un bâtiment et de mettre en oeuvre un projet de décarbonisation selon le contexte énergétique des bâtiments au Québec.
Références
[1] Bureau de l’efficacité et de l’innovation énergétiques (2016), L’efficacité énergétique des bâtiments institutionnels en neuf étapes, Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, Gouvernement du Québec.
Photo by Ashes Sitoula on Unsplash.
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