Quatre défis énergétiques canadiens en 2021

Le gouvernement du Canada a récemment revu sa cible climatique pour 2030 à la hausse. Alors que son dernier budget prévoyait une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 36% en 2030 par rapport à celles de 2005, il vise désormais une fourchette cible allant de 40% à 45%.

Comment atteindre cet objectif ambitieux? Une multitude de chantiers devront se déployer, et ce, très rapidement. Pour se donner une idée de ce qui s’en vient, voici en rafale quatre grands défis énergétiques canadiens.

1. Décarboner nos réseaux électriques

De manière générale, les Québécois ont tendance à croire que l’électricité est une forme d’énergie propre en soi. C’est qu’ils confondent leur réalité avec celle du reste du monde. Notre hydroélectricité verte représente 95% de notre production d’électricité. Un autre 4% vient de l’éolien, ce qui nous amène à 99% d’électricité renouvelable.

En revanche, dans le reste du monde, la majorité de l’électricité est encore à ce jour produite à base d’hydrocarbures. C’est le charbon qui demeure la première source de production d’électricité avec 37% de la production totale dans le monde. Le gaz naturel arrive deuxième à 24%. L’hydroélectricité n’arrive qu’en troisième place à 16%.

Au Canada, le portrait est mieux qu’à l’international : 61% de la production d’électricité vient de l’hydroélectricité, 15% du nucléaire, 9% du gaz naturel, 8% du charbon, 5% de l’éolien, puis les autres formes d’énergie sont globalement négligeables. C’est en Alberta, en Saskatchewan, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse que l’ajout de capacités de production d’électricité renouvelable pourrait directement remplacer des sources émissives comme le charbon et le gaz naturel. Dans les autres provinces, une augmentation de la production d’énergie renouvelable n’améliorerait que de façon marginale leurs bilans respectifs.

Cependant, une meilleure intégration des réseaux électriques, notamment dans le nord-est de l’Amérique, pourrait permettre à l’électricité propre produite au Canada de remplacer des sources d’énergie polluantes aux États-Unis. C’est ce que soutient l’économiste Marcel Boyer dans une récente étude où il défend la création d’un espace de libre-échange de l’électricité entre les provinces de l’est du Canada et les États américains du nord-est des États-Unis.

2. Électrifier nos transports

La décarbonation des réseaux électriques permettra d’envisager une électrification des transports plus durables, tant pour le transport des personnes que des marchandises.

Le secteur des transports représente 25% des émissions de gaz à effet de serre (GES) du Canada. Il occupe ainsi la deuxième place en matière d’émissions de GES au pays tout juste derrière le secteur de l'exploitation pétrolière et gazière qui lui représente 26% des émissions canadiennes. On ne peut donc penser que le Canada atteigne ses objectifs en matière climatique sans décarboner ses moyens de transport, quels qu’ils soient.

Par ailleurs, la voiture électrique permettra certes de réduire l’impact environnemental du transport des personnes, mais elle ne saurait se substituer à d’autres options encore moins polluantes comme le transport actif, le covoiturage, le partage de véhicules et le transport en commun. Il faudra donc exercer le leadership nécessaire pour développer dans des délais raisonnables une offre de transports collectifs diversifiés, efficaces et abordables, afin que de plus en plus de Canadiens soient tentés de les préférer à la voiture individuelle lorsque possible.

Concernant le transport des marchandises lourdes, Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, fait remarquer depuis quelques années déjà que de les transporter par train permettrait « de réduire jusqu'à 90 % la consommation d'énergie par tonne-kilomètre de transport de marchandises. » De nouvelles infrastructures ferroviaires devraient être construites partout au pays, représentant d’énormes investissements. Malgré tout, le potentiel de réduction des émissions de GES demeure considérable. Osera-t-on envisager cette avenue sérieusement?

3. Tirer parti des bioénergies

L’électrification des transports est donc incontournable, mais attention de la considérer comme une panacée!

« L’électricité ne comble actuellement que 20% de la demande finale d’énergie. Quatre-vingt pour cent de cette demande est comblée par des « molécules ». Or, même si nous doublions la production d’énergie électrique renouvelable au cours des 20 prochaines années, et considérant que la demande continuera de croître, cela ne comblerait que 30% de la demande finale d’énergie. Nous aurons donc toujours besoin de combler 70% de la demande finale d’énergie avec des molécules. » Telles étaient les paroles de Christoph Frei, alors secrétaire général du Conseil mondial de l’énergie, en juin 2019.

Au Canada, la consommation annuelle d’énergie atteint 11 488 pétajoules (PJ), dont 8 789 PJ sont consommées sous forme de produits pétroliers raffinés ou de gaz naturel. On parle de 76,5% de l’énergie consommée au Canada. Cela peut être déplaisant, mais c’est la réalité.

Qu’importe que les hydrocarbures aient la cote ou non, on ne peut penser atteindre nos objectifs climatiques en négligeant de comprendre leurs chaînes de valeurs ainsi que les applications pour lesquelles nous les utilisons, qu’il soit question de pétrole (plastiques, antigel, chauffage, cuisson, séchage, essence, caoutchouc synthétique, solvants, résines, etc.) ou de gaz naturel (ammoniaque, nitrate, solution azotée, urée, etc.).

Une meilleure connaissance des applications énergétiques, mais également non énergétiques des hydrocarbures traditionnels aurait d’ailleurs pour effet de mettre en lumière l’importance du déploiement des bioénergies comme i) le gaz naturel renouvelable (GNR); ii) la biomasse; et iii) les biocarburants. Leur rôle fondamental dans la transition énergétique a d’ailleurs été soulevé dans la feuille de route 2030 de l’Association québécoise de la production d'énergie renouvelable (AQPER). L’hydrogène vert ne doit pas non plus être oublié. Celle-ci pourrait représenter jusqu’à 30% du mix énergétique canadien en 2050.

4. Former la relève

Finalement, l'Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) vient tout juste de publier une étude dressant le profil de l’ingénieur d’aujourd’hui et de demain. L'une des tendances majeures qui influenceront le plus la profession au cours des prochaines années selon elle : la transition énergétique et l'électrification des transports.

Également, considérant la demande soutenue pour la main-d’œuvre qualifiée couplée à une moyenne de 1000 départs à la retraite annuellement, il faudra redoubler d’ardeur pour attirer la jeunesse au sein des facultés de génie, sans quoi les ressources pourraient s’avérer insuffisantes pour combler les besoins des nombreux chantiers de la transition énergétique.

Il est donc primordial de faire savoir aux jeunes, en particulier aux jeunes du secondaire qui réfléchissent à leur avenir professionnel, que la profession d’ingénieur en est une d’avenir, capable de les faire rêver à un futur meilleur pour eux et pour leur pays.

 

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