Des ingénieurs à la rescousse du développement de produit

Peut-on hausser les chances de succès d’un nouveau produit ? Y a-t-il moyen de rendre son développement de produit plus efficace et plus rapide, d’en hausser la qualité du design et de lui faire répondre plus adéquatement aux besoins des clients ?

Dans les années 1990, ces questions intéressaient tout particulièrement Denis Proulx, professeur d’ingénierie à l’Université de Sherbrooke, et Claude Lessard, ingénieur chercheur au Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ). Ils ont alors convoqué à une rencontre les directeurs de recherche d’une dizaine d’entreprises, notamment BRP, Venmar et Exfo, pour qu’ils partagent leurs expériences et pratiques. De cette rencontre a émergé l’Institut de développement de produits (IDP), fondé à Montréal en 1995.

Aujourd’hui, l’IDP s’intéresse toujours aux mêmes questions, mais les a élargies aux services, et fait la promotion de meilleures pratiques auprès de sa centaine d’entreprises membres et des centaines de participants qui s’inscrivent à ses «camps d’entraînement».

Une clé essentielle du développement de produit ou d’un service est de « faire ses devoirs en amont pour que le développement soit accéléré et le produit, amélioré», dit Bertrand Derome, directeur général de l’IDP. On peut s’assurer ainsi de réduire le temps de développement de 30%.

On réduit également les coûts sensiblement. «En phase de conception, il est généralement reconnu qu’un changement coûte 1$ à réaliser», fait ressortir David Fauteux, conseiller à l’IDP. «Si on veut le faire en phase de fabrication, ça coûte 100$ ; en phase de commercialisation, 1 000$. En moyenne, un produit sur deux ne rejoint pas ses objectifs financiers. Les bonnes pratiques haussent le taux de succès à 80%.»

Bien saisir le client 

Les facteurs d’échec sont nombreux, mais le plus important, qui prévaut dans 45% des cas, tient à une mauvaise analyse des besoins des clients. « Dès le départ, cela fait en sorte qu’on travaille sur une opportunité qui n’en était pas une, souligne Bertrand Derome. Certaines entreprises sont plus passionnées par leur technologie que par les besoins de leurs clients ».

Les moyens pour saisir les besoins des clients se multiplient : enquêtes, entrevues, observation sur place des utilisateurs dans leurs interactions avec le produit ou son prototype. On ne se contente plus de simples «focus groups» ou de demander l’avis des gens. «La meilleure façon de développer le mauvais produit, c’est de demander à l’utilisateur quel serait le meilleur produit», dit avec ironie Bertrand Derome.

Dans ses applications plus sophistiquées, cette étude des clients prend la forme du «UX», pour «user experience», appliquée largement dans le monde des « objets connectés». «Au départ, on étudiait simplement l’usage, ou l’efficience et l’efficacité», explique Cynthia Savard Saucier, directrice UX chez Shopify, à Montréal, et auteur du livre récent Tragic Design. Mais les spécialistes en sont venus « à étudier les utilisateurs dans leur environnement d’activité quotidienne : sonneries de téléphones, sollicitations multiples, habitudes, tâches diverses. C’est toute l’étude d’un écosystème, qu’on tâche de transposer en services sur la plateforme» de Shopify.

Par ailleurs, les facteurs de succès tiennent à quelques principes clés. L’entreprise doit développer une culture d’innovation, faire une gestion serrée d’équipes multidisciplinaires, s’assurer tout au long du processus de conception et de design qu’il demeure fidèle aux besoins des utilisateurs.

De tels facteurs peuvent sembler aller de soi, mais les exigences pour réussir la recette sont considérables. Par exemple, certains milieux de travail prétendent favoriser l’innovation, mais ne laissent pas aux gens la latitude de faire des erreurs. Ou encore, on dit miser sur la créativité, sans se rendre compte qu’il s’agit d’un processus exigeant et rigoureux. «Trouver des solutions innovantes passe par des démarches et des processus très structurés», soutient Bertrand Derome.

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