Génie forestier : le parcours de Xavier Noël-Monastesse

Vous croyez que l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) est le seul ordre professionnel à régir les professionnels en génie au Québec? Détrompez-vous!

Si l’OIQ est responsable de régir le titre d’ingénieur (ing.), l’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec (OIFQ) est, lui, responsable de l’admission à la pratique d’ingénieur forestier (ing. f.). Il compte environ 2 000 membres.

Je me suis justement entretenu avec un professionnel membre de cet ordre afin d’en savoir davantage sur cette profession atypique au sein du domaine du génie. Entretien avec Xavier Noël-Monastesse, ingénieur forestier chez SGD Foresterie.

Parcours vers la forêt

Xavier fait des études collégiales en histoire et civilisation avant d’amorcer un baccalauréat en linguistique à l’UQÀM. Or, il se tournera ensuite vers le domaine du génie. « J’ai choisi le génie, car je cherchais un domaine concret où toi-même tu peux avoir un impact sur le monde. En génie, tu peux apprendre des connaissances et les appliquer directement. »

De surcroît, plutôt que de s’inscrire dans un programme traditionnel en génie (ex. civil, mécanique, électrique, etc.), il choisit le génie forestier. « J’ai choisi le génie forestier, car je ne voulais pas toujours travailler à l’intérieur. C’est certain qu’il y a toujours du travail de bureau, mais mon domaine et mon travail me permettent d’avoir un bel équilibre entre le bureau et le terrain.

Et puis le génie forestier – comme tous les génies – nécessite une bonne base en mathématiques, mais c’est un domaine qui utilise aussi d’autres types de connaissances comme la géographie, l’environnement, la biologie, les sciences sociales et économiques, etc. (…) La différence avec les programmes traditionnels en génie, c’est qu’on travaille avec de la matière vivante et irrégulière, donc on ne peut pas évoluer avec le même degré de précision que d’autres domaines du génie. La nature est vivante et dynamique et le territoire québécois est immense, on n’a donc pas le choix de vivre avec de la variabilité. »

Comme les autres spécialisations du génie, le génie forestier permet une amélioration des conditions d’existence des êtres humains. Les aspects économiques et environnementaux du domaine donnent d’ailleurs un sens au travail quotidien de Xavier. « La forêt est une ressource renouvelable. Par ailleurs, l’utilisation du bois permet la séquestration de carbone. Donc, si on gère bien la forêt, on peut non seulement avoir un impact positif sur l’économie et les communautés, mais également sur la lutte contre les changements climatiques. »

Génie forestier

La seule université offrant le programme d’ingénierie forestière est l’Université Laval à Québec. Le programme vise à donner aux étudiant(e)s les outils pour développer et mettre en œuvre des projets en foresterie.

Xavier choisit la spécialisation en aménagement et environnement forestiers, un programme permettant d’en apprendre sur la dendrométrie, la botanique, l’écologie, les sols et l’hydrologie ou encore les pathogènes et insectes ravageurs des forêts. Le programme permet même de s’initier à certaines technologies de télédétection (photos satellites, photo aériennes et LiDAR) permettant de faire la cartographie de la forêt.  

« On aborde des notions qui nous permettent de faire les meilleurs choix sylvicoles, de manière informée. La sylviculture c’est la science qui vise à aménager la forêt pour en retirer le maximum de biens et services. Pas que la forêt ait besoin de nous pour pousser, mais on peut lui donner une direction quand même. (…) On a même une partie de la formation qui est dédiée aux études d’impacts et évaluations environnementales, des cours d’économie, de gestion de projets, etc. » Il va sans dire qu’il s’agit d’une formation complète qui fait le tour de plusieurs aspects de la profession d’ingénieur forestier!

Mandats en génie forestier

Le génie forestier est un domaine vaste où plusieurs types de mandats peuvent être conduits. « Un cas classique est le propriétaire privé qui possède des terres et qui veut en tirer un revenu, se faire des habitats de chasse ou qui cherche à laisser un bel héritage par exemple. On prend des données et on aménage sa forêt en fonctions de ses besoins et des normes en vigueur. (…)

Chez SGD, on supervise aussi des travaux sylvicoles. C’est-à-dire l’entretien des plantations pour s’assurer qu’elles arrivent à maturité. Le débroussaillage est fait mécaniquement, car au Québec, on est la seule province qui ne permet pas l’épandage d’herbicides. On s’assure que le traitement suit les normes et que la forêt soit bien régénérée. »

Xavier fait beaucoup d’accompagnement en termes de développement économique auprès de ses clients. « Par exemple, on a des clients qui débutent avec leurs entreprises et on les assiste dans les aspects plus administratifs. On les aide à faire leur comptabilité, par exemple. Mais on le fait toujours en mode agence, c’est-à-dire qu’on vise à les rendre autonomes et qu’ils ne continuent de nous mobiliser que pour des travaux en lien avec notre expertise première, soit l’ingénierie forestière.

On a beaucoup de clients qui sont des communautés autochtones. Souvent, il y a des activités forestières sur leurs territoires et ils désirent en tirer des retombées. On les supporte sur le plan technique et comptable le temps qu’ils développent leur expertise. Il y a même une communauté qu’on a aidé à démarrer et dont la compagnie est rendue avec un chiffre d’affaires de plusieurs millions de dollars. »

Finalement, comme toute firme de génie-conseil, SGD Foresterie fait aussi des mandats d’expertise ainsi que des mandats pour les municipalités en lien avec l’aménagement de leurs territoires.

Foresterie 4.0

Plusieurs innovations font du génie forestier un domaine effervescent et où la formation continue prend un sens d’autant plus nécessaire. « À l’époque, quand le GPS est arrivé, ça a révolutionné notre manière de travailler en forêt. Aujourd’hui, on a le LiDAR, de la télédétection par laser où un avion balaie le territoire avec un faisceau. En mesurant le temps de retour de la lumière on a une idée très précise de la morphologie du sol et de la canopée. L’utilisation de technologies comme ça devient incontournable. »

L’industrie fait également face à de nombreux défis techniques et d’amélioration de la production. « Comme le territoire est grand, au Québec, c’est certain que la question du transport pour sortir le bois de la forêt est importante. L’utilisation de camions intelligents pourrait faciliter le tout.

Aussi, d’autres questions animent les professionnels de notre domaine : pourrait-on utiliser des drones pour mesurer des informations que l’on mesure actuellement à la main par exemple? Pourrait-on conduire plusieurs abatteuses simultanément et à distance? C’est certain que la foresterie ça se fait en mettant des bottes, mais on pourrait se sauver beaucoup de temps grâce à des choses comme ça et mettre nos énergies à être plus précis, plus proactifs dans notre approche. »

L’utilisation de technologies de l’information (TI) pourrait également permettre d’intégrer la chaîne d’extraction et de transformation en permettant la communication en temps réel entre les deux. « Cela va améliorer la prévisibilité au niveau de l’usine et éviter des délais d’adaptation en fonction de la matière première qui entre à l’usine. »

Il va sans dire, le domaine du génie forestier en est un rempli de défis. Espérons qu’il aura droit, au même titre que les autres domaines du génie, à sa juste exposition auprès de la relève.

 

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