Génie et technologies quantiques : Compte-rendu du panel de Genium360

Nota Bene : Pour une introduction aux technologies quantiques, lisez l’article de présentation du panel de Genium360, ainsi que le dossier spécial sur les technologies quantiques publié sur le site web de Genium360.

Intitulé « Génie et applications technologiques quantiques : Entre promesses et réalités », le panel du  28 novembre 2024 a permis d’explorer les promesses et réalités du quantique aujourd’hui. Animé par Oriane Morriet d’Humaniteq, il rassemblait des invités de renom : Christian Sarra-Bournet de l’Institut quantique de l’Université de Sherbrooke, Chloé Archambault de Quantacet, Alexandre Choquette d’IBM Quantum, David Roy-Guay de SB Quantum et Marie-Eve Boulanger de Pinq2.

Sur une durée d’une heure, la discussion s’est articulée autour de deux grands axes : la transformation de l’industrie par le quantique et le rôle des ingénieurs dans le développement du quantique. Elle a permis de démystifier les applications technologiques quantiques actuelles, tout en faisant la part belle au rôle du génie dans le présent et le futur de ces applications. Cet article offre un compte-rendu de la discussion qui a eu lieu.

Pour revoir la conférence en entier, cliquez ici.

Quelles transformations des industries par le quantique?

Le potentiel disruptif du quantique est indéniable. Au niveau informatique, les ordinateurs quantiques sont conçus pour offrir un avantage comparé aux ordinateurs classiques. Encore actuellement gouvernés par le bruit et les erreurs, ils permettront à terme de résoudre des problèmes trop complexes pour être résolus avec les méthodes traditionnelles. Ces ordinateurs ont-ils cependant une utilité aujourd’hui ou bien leur avantage n’est-il encore que théorique?

La recherche publiée dans Nature, en juin 2023 par IBM marque l’entrée dans une nouvelle ère : celle de l’utilité quantique. « Nous entrons dans une ère où les ordinateurs quantiques sont des outils scientifiques capables de fournir des solutions fiables et précises à des problèmes qui sont hors de portée des méthodes de calcul classique par force brute », confirme Alexandre Choquette.

Financé par le Gouvernement du Québec, l’IBM Quantum System One installé à Bromont en 2023 par IBM dessert en effet d’ores et déjà différentes industries, notamment celle de l’énergie avec la simulation de réseau électrique.

L’ordinateur quantique IBM Quantum System One

Le quantique est cependant bien loin de se restreindre à l’informatique. Des capteurs quantiques sont par exemple développés par des start-ups comme SB Quantum. Suite à sa participation au défi MagQuest lancé par le gouvernement américain, l’entreprise québécoise est en passe de déployer une solution quantique permettant d’établir la carte du champ magnétique planétaire pour la navigation sans GPS, par exemple sous terre ou sous l’eau.

Un autre exemple de technologies quantiques développées par SB Quantum est le magnétomètre quantique pour l’exploration minière. « Réduit au maximum pour pouvoir être placé dans un sac à dos, notre magnétomètre permet de cartographier les gisements potentiels de métaux et de minéraux », explique David Roy-Guay. Grâce à des partenariats avec différents partenaires gouvernementaux et industriels, la technologie en est actuellement à l’étape du pilote.

Le magnétomètre quantique de SB Quantum

En 2024, les applications quantiques concrètes ne touchent encore que des segments industriels très spécifiques. D'après les experts, le quantique ne livrera sans doute pas toute sa puissance disruptive avant une bonne dizaine d'années, voire plus, et une adoption massive de la technologie en dehors de quelques domaines spécifiques prendra probablement encore plus de temps. Néanmoins, selon Chloé Archambault : « Les applications quantiques actuelles ne présentent qu’un petit avantage, mais cela ne prend parfois qu’un petit avantage pour dominer le marché ».

Quel rôle pour les ingénieurs dans le quantique?

Actuellement encore aux mains des physiciens, le quantique aura besoin des ingénieurs pour passer de la science à l’application. Le génie mécanique, électrique ou encore informatique a donc un véritable rôle à jouer dans le développement des technologies quantiques. Les ingénieurs joueront un rôle déterminant d’ambassadeurs du quantique. « Ils seront les premiers à adopter le quantique pour rendre leurs solutions plus compétitives », commente Chloé Archambault.  

Mais qu’en est-il de la place des ingénieurs dans les entreprises quantiques? Chez IBM Quantum, les ingénieurs sont bien présents. Ils travaillent tant sur le plan du hardware que du software. Chez SB Quantum, ils représentent près de 80% des employés de la compagnie. L’équipe d’innovation, composée essentiellement de physiciens, est d’ailleurs dirigée par un ingénieur électrique. « Les connaissances en génie sont essentielles pour concevoir les solutions, les développer, les intégrer et les tester », expliquent d’un commun accord Alexandre Choquette et David Roy-Guay.

Les invités du panel post-AGA 2024 de Genium360. De gauche à droite : Oriane Morriet, Christian Sarra-Bournet, Chloé Archambault, Alexandre Choquette, David Roy-Guay, Marie-Eve Boulanger.

Respectant une parité parfaite, avec trois hommes et trois femmes, le panel de Génium360 mettait bien en valeur le rôle des femmes dans le quantique. Ce n’est cependant pas la réalité. La représentation des femmes et des minorités est en effet très faible dans le milieu du quantique. « Parce que c’est un domaine en émergence, il est possible d’agir rapidement et de rendre le domaine du quantique plus diversifié », insiste Marie-Eve Boulanger. 

Comment se préparer au quantique?

La conclusion de ce panel? Les entreprises en génie ont tout intérêt à se préparer au quantique de manière à tirer profit de l’avantage offert par cette science. Pour faire leurs premiers pas dans le quantique, les ingénieurs peuvent réseauter dans les événements sur le sujet, prendre des cours spécialisés, se faire accompagner par un accélérateur ou encore participer à des hackathons en quantique. La voie du développement de brevets en quantique peut également être une avenue intéressante pour les entreprises.

L’Université de Sherbrooke propose des ressources pour permettre aux entreprises de sauter le pas du quantique. « L’université offre des formations initiales et continues pour permettre aux professionnels d’acquérir des connaissances en quantique, comme le Baccalauréat en sciences de l’information quantique, premier au monde dans la francophonie », souligne Christian Sarra-Bournet. Le site web de Genium360 relaie également des formations d’introduction à l’informatique quantique montées par l’AlgoLab quantique de l’Institut Quantique. IBM Quantum propose de plus gratuitement du matériel éducatif, des livres blancs et des notebooks en quantique.

L’Institut quantique de l’Université de Sherbrooke

Prendre la vague du quantique n’est cependant pas une mince affaire. Les entreprises devront prendre des risques en investissant dans la mise à jour de leurs solutions technologiques, mais aussi en investissant dans le rehaussement des compétences de leurs employés. « Ça prend des champions à l’interne capables de décider et d’opérer en quantique », affirme Marie-Eve Boulanger. Miser sur l’humain en recrutant des talents formés en quantique, ou bien former le personnel déjà présent à l’interne, semble donc être une étape clé dans le développement futur des entreprises si elles veulent rester compétitives.

 

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