REM : quand un projet innovant améliore l’expertise québécoise en génie

Le REM est le plus grand projet de transport collectif depuis 50 ans. De nombreuses innovations en génie se cachent derrière ce projet complexe. Entrevue avec Jean-Philippe Pelletier, directeur de la Phase Ouest chez CDPQ Infra.

Le REM, c’est plus de 6 000 travailleurs et travailleuses dans la grande région de Montréal, en plus de nombreuses collaborations internationales. Toutes les facettes du génie ont été représentées afin que le projet structurant pour l’île de Montréal devienne réalité.

Les expertises du génie rassemblées

Jean-Philippe Pelletier énumère la diversité des domaines du génie représentés dans la conception du REM. D’abord, le génie informatique. « Le REM est un gros ordinateur, avec une base de données pour gérer la performance du réseau », explique-t-il. La collaboration internationale était nécessaire pour assurer le transfert d’expertise vers les travailleurs et travailleuses au Québec dans cette discipline.

Le génie industriel, pour sa part, joue un rôle crucial dans la logistique de la gestion des matériaux de construction, comme en témoigne l’exemple du tunnel Mont-Royal. « On doit s’assurer que tous les matériaux se trouvent au bon endroit au bon moment dans la construction du tunnel, qui est un point central du projet », détaille le directeur, ingénieur de formation. 

Le génie mécanique, lui, intervient dans la conception des bâtiments, notamment en ce qui concerne la ventilation. Le génie électrique est par ailleurs essentiel pour assurer la distribution électrique et l’alimentation en énergie. « On a créé un réseau de distribution de moyenne tension pour le REM alors qu’Hydro-Québec alimente le réseau sur cinq points centraux », mentionne Jean-Philippe Pelletier.

Quant au génie civil, il englobe la construction des infrastructures, des tabliers ferroviaires aux trois nouveaux ponts. Les travaux civils comprennent également la construction de structures aériennes. C’est d’ailleurs grâce à l’expertise internationale qu’on a pu voir Marie et Anne (les surnoms des poutres de lancement) en activité, notamment dans l’ouest de l’île de Montréal. Le génie des matériaux est responsable de la gestion du béton, de sa qualité, de son type et de l’ajout d’adjuvants pour garantir sa durabilité, notamment près des axes autoroutiers. 

Une collaboration internationale bénéfique

Les consortiums, des entreprises québécoises travaillant en collaboration avec des partenaires internationaux tels qu’AECON, Pomerleau et SNC-Lavalin, ont permis de faire bénéficier le projet de l’expertise développée partout ailleurs. « Des expatriés espagnols, français et d’autres nationalités ont été recrutés pour apporter leur expérience au projet, ce qui a été essentiel pour respecter un calendrier ambitieux et compétitif », indique Jean-Philippe Pelletier.

L’objectif est de recréer cette expertise au Québec afin de mieux positionner la province pour d’autres grands projets à venir. Jean-Philippe Pelletier souligne fièrement le transfert de cette expertise internationale vers la main-d’œuvre locale. Il cite en exemple l’installation de la caténaire, qui est l’ensemble de la connexion électrique qui permet d’alimenter les voitures du REM. « Plus personne n’avait cette expertise au Québec. Seuls des travailleurs du CN en faisaient l’entretien, mais on n’avait pas d’expertise sur l’installation » soulève l’ingénieur, ajoutant que le REM a permis de ramener cette expertise au Québec. 

Autre illustration : la voûte McGill, une tâche de reconstruction complexe qui a dû se faire sans perturber le centre-ville de Montréal ni ouvrir la rue Sainte-Catherine. « La collaboration avec des entreprises venant du monde entier a été nécessaire afin de construire cette “voûte parapluie” sans interrompre les services ni avoir d’impact sur la population. Cette portion du tunnel est conçue pour durer 125 ans. Elle fait partie des innovations grâce aux échanges entre l’expertise internationale et les ingénieurs locaux », explique Jean-Philippe Pelletier. Il insiste sur la nécessité de la gestion de projet pour coordonner toutes ces disciplines et l’expertise internationale.

Une gestion de projet essentielle

Jean-Philippe Pelletier souligne la clé permettant de coordonner l’expertise internationale et toutes ces disciplines du génie : la gestion de projet. « C’est comme un chef d’orchestre dirigeant son ensemble, où chacun a la responsabilité de jouer la bonne note, au bon rythme, au bon moment », image-t-il.

Les gestionnaires de projet ont pu mettre de l’avant leur expertise technique, leur capacité à gérer les coûts et les échéanciers ainsi que leurs compétences interpersonnelles pour collaborer et négocier pour le REM. Il a souligné que la gestion de projet était une compétence pivot avec une compréhension 360 du projet du REM.

Parce que l’un des grands défis de la réalisation du REM est qu’il s’agit d’un projet en pleine ville. Jean-Philippe Pelletier mentionne l’importance du rôle des ingénieurs en gestion de la mobilité. « Les ingénieurs doivent gérer les entraves routières et collaborer avec d’autres donneurs d’ouvrage tels que le ministère des Transports du Québec et les municipalités pour faire avancer le projet tout en atténuant les impacts sur l’ensemble des partenaires, incluant les citoyens », explique le directeur chez CDPQ Infra.

L’intégration et la gestion de toutes ces disciplines, grâce notamment à la gestion de projet, s’avèrent un défi majeur dans la réalisation du REM. Pour lui, cette expertise en gestion de projet complexe sera la force des jeunes qui veulent gravir les échelons dans la gestion de projet. « Il n’y a plus de projets où chaque discipline faisait son petit bout de façon indépendante. Il faut comprendre le rôle de chacun afin d’interconnecter les disciplines », affirme-t-il, ajoutant qu’ainsi le travail d’équipe est essentiel.