Christoph Frei du Conseil mondial de l’énergie : une double transition énergétique
« Les changements climatiques représentent le plus grand défi auquel l’humanité a fait face » laisse tomber Christoph Frei, secrétaire général du Conseil mondial de l’énergie, en visite spéciale à Montréal pour participer à plusieurs événements d’envergure dans la métropole, dont notamment les Rencontres de génie organisées par Genium360.
Cela a de quoi donner le vertige ! La menace climatique serait encore plus périlleuse que les guerres? Que la peste noire ? Que la menace nucléaire ? Semble-t-il que oui.
Qu’à cela ne tienne, Christoph Frei n’est pas un pessimiste. D’origine suisse, il a consacré sa vie professionnelle à l’avancement de la science et aux conversations mondiales sur l’énergie, lui qui fût professeur universitaire, mais aussi directeur au Forum économique mondial ainsi qu’une personnalité influente à l’échelle planétaire concernant les systèmes énergétiques et l’éthique des affaires.
Comment pouvons-nous tirer parti d'une communauté énergétique mondiale afin d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés concernant la transition énergétique ? C’est la question à laquelle il a tenté de répondre lors de notre rencontre en marge des Rencontres de génie.
Équilibrer différents impératifs
Le Conseil mondial de l’énergie est une organisation fondée en 1923 et qui s’intéresse aux enjeux de sécurité, de soutenabilité et d’équité en lien avec le secteur de l’énergie. Il met à disposition des leaders du domaine de l’énergie des outils leur permettant de soutenir leurs prises de décisions, visant à atteindre divers objectifs, évidemment économiques, sociaux et environnementaux.
Les enjeux climatiques sont importants, certes, mais il ne faut pas oublier qu’à l’heure actuelle, c’est 1 milliard de personnes qui n’ont toujours pas accès à l’électricité, et il en coûterait 1 trillion $ (ça, c’est 1000 milliards $) pour leur permettre d’y accéder nous dit Christoph Frei.
Comment équilibrer ces différents impératifs de développement humain et de soutenabilité ? Une approche systémique et pragmatique nous donne des pistes de solutions.
Approche systémique, vision globale
Plusieurs tendances sont à l’œuvre et doivent être accélérées, dont notamment la décarbonisation, la décentralisation et la numérisation. Nous devons garder l’esprit ouvert et voir le portrait global ! En effet, alors que nous avons tendance à miser et à ne focaliser que sur l’électrification de notre économie, nous perdons de vue plusieurs réalités énergétiques à prendre en compte pour réussir les ambitieux objectifs de la transition énergétique.
« L’électricité ne comble actuellement que 20% de la demande finale d’énergie. 80% de cette demande est comblée par des « molécules ». Or, même si nous doublions la production d’énergie électrique renouvelable au cours des 20 prochaines années, et considérant que la demande continuera de croître, cela ne comblerait que 30% de la demande finale d’énergie. Nous aurons donc toujours besoin de combler 70% de la demande finale d’énergie avec des molécules. »
Christoph Frei nous invite donc à considérer et accélérer l’adoption des technologies qui permettent de verdir les chaînes énergétiques existantes, et non seulement miser sur l’électrification.
Innovations technologiques
C’est d’ailleurs les innovations technologiques qui changeront probablement le plus le portrait énergétique à l’échelle internationale. « Il y a eu un ralentissement du point de vue des politiques publiques internationales depuis l’Accord de Paris. Cependant, les initiatives en termes d’innovations technologiques, faites par des entreprises, dans les villes ou des juridictions plus petites sont très prometteuses. »
Cette réalité est rendue possible entre autres dû au fait que nous passons d’une industrie énergétique basée historiquement sur des ressources (notamment pétrolières) à une industrie davantage basée sur la technologie, et où l’utilisateur final est au centre du contrôle de l’énergie.
L’avènement de la chaîne de blocs (en anglais « blockchain ») et de la cryptomonnaie – qui permettent les microtransactions – vient également faciliter les échanges entre petits producteurs et consommateurs d’énergie, notamment dans des environnements où les utilités sont absentes, sous-développées ou contestées.
En somme, la transition énergétique n’aura pas seulement pour effet de rééquilibrer nos relations avec notre environnement, mais également de remettre dans nos mains le pouvoir d’échanger selon nos préférences personnelles.
La transition énergétique est donc double : d’une part environnementale, d’autre part libératrice. À la lueur de cette réalité, on comprend mieux l’optimisme de Christoph Frei. L’appréhension du péril pourrait laisser place à l’espérance.
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