Sécurité industrielle : l’énergie zéro et le cadenassage

La digitalisation de l’industrie manufacturière a évolué dans les dernières années; l’automatisation et la robotisation étaient et demeurent des solutions pour combler le manque de main d’oeuvre dans les usines au Québec.

Avec la COVID-19, les lignes de production robotisées ont aussi démontré les bénéfices de minimisation des risques d’arrêt des productions. Les entreprises manufacturières ont entamé cette digitalisation à différents degrés, mais est-ce que la sécurité industrielle s’est tout autant numérisée? Est-ce que la digitalisation a réduit les accidents liés aux machines industrielles?

La cobotique (homme-robot), les capteurs liés à l’internet des objets (IOT), les plans interactifs 3D de l’usine ou encore les dispositifs de type DATI (Dispositifs d'Alarme pour Travailleur Isolé) sont des outils innovants pour sécuriser les travailleurs. Où en sommes-nous avec les normes en sécurité industrielle, les pratiques d’énergie zéro et le cadenassage?

La sécurité industrielle et les pratiques d’énergie zéro pour éviter les accidents

Un rapport de l’Association des commissions des accidents du travail du Canada (ACATC) démontre que l’industrie manufacturière présente une hausse des accidents causés par des particules métalliques, poussières, émanations, poudres ou autres traces en 2018.

Dans une précédente étude de 2014, Pascal Poisson, ingénieur électrique et chef d'entreprise en sécurité industrielle, explique que la « maintenance is often neglected by machine designers and as a result, numerous residual risks associated with the maintenance of machines are managed on-site by the end users. »1 Les interventions de maintenance, de production ou de configuration des machines industrielles amènent les travailleurs à être exposés à des matières dangereuses résiduelles.

Dans une précédente étude, Poisson & Chinniah (2014) recensent 31 tâches de maintenance et 25 tâches de production sur un total de 57 interventions observées. Douze des 77 travailleurs impliqués ont ouvert les guides de procédures de machines industrielles; c’est seulement 15% des interventions.

Toutefois, 47% des interventions ont nécessité une approbation d’un autre travailleur. 91% interventions ont inclus un test d’énergie électrique avant la réouverture de la machine, mais dans seulement 54% des cas des tests des énergies résiduelles (exemples pneumatiques ou hydrauliques) ont été réalisés. Cette étude démontre que les dangers non visibles sont souvent non considérés. 

Des pratiques « énergie zéro », c’est-à-dire l’élimination de l’énergie résiduelle telle que l’énergie électrique, pneumatique, thermique, chimique et autres, sont donc à mettre en place. À cette fin, le cadenassage et l’étiquetage sont deux processus importants, mais des problématiques demeurent. 

Les normes en sécurité industrielle sur le cadenassage

Des instances normatives assurent l’identification et le respect des standards de sécurité industrielle, notamment la norme CSA Z460:13 au Canada. Plus précisément, le cadenassage est défini comme étant l'« installation d'un dispositif de cadenassage sur un dispositif d'isolement des sources d'énergie conformément à une procédure établie comme une fiche de cadenassage » (CCCHST)2.

Le cadenassage permet à l’aide d’une cage, d’un verrou ou d’autres dispositifs de protection de bloquer l’accès à une machine ou une zone dangereuse pendant une période de maintenance, de production ou de configuration. Durant cette période, il y a des risques d’accidents, mais aussi des blessures liées à l’énergie pouvant être libérée par les machines, par exemple la poussière combustible.

Il faut ainsi planifier, contrôler et évaluer la gestion du cadenassage et la gestion de l’étiquetage afin de bien identifier les sources d’énergie à risque et de suivre les étapes de sécurité industrielle.

Méthode alternative au cadenassage : le système d’interverrouillage

D’autres méthodes alternatives au cadenassage peuvent être mises en place. Il existe une hiérarchie des méthodes de réduction des risques comme rapporte Poisson & Chinniah (2014) : « Risk reduction methods for safety of machinery follows a wellestablished hierarchy (ISO 12100, 2010; Manuele, 2006) ».

Il est suggéré d’avoir plus d’un dispositif de protection, non seulement pour protéger la zone, mais aussi pour sécuriser les fonctions dangereuses des machines. Ce système d’interverrouillage dans une zone dangereuse ou encore des dispositifs sensibles qui identifient la présence d’une partie du corps dans une zone dangereuse sont des solutions alternatives au cadenassage.

Ces deux méthodes alternatives permettent de protéger les travailleurs à l’intérieur d’une zone dangereuse pouvant ainsi remplacer ou complémenter le cadenassage.

Digitaliser et sensibiliser pour une sécurité industrielle plus efficace

Les risques inhérents au non-cadenassage sont majeurs puisqu’ils sont reliés au facteur humain. En effet, « Hale and Borys (2013) list factors identified in the literature and linked to the tendency to violate a safety rule. Individual, factors (e.g. attitude to and habits of noncompliance, previous accident involvement, low level of training, short cuts, perceived risk), hardware or activity factors [...] » (Poisson & Chinniah, 2014).

Il y a une gestion humaine du cadenassage et il peut être difficile de contrôler l’utilisation adéquate des dispositifs de protection. L’automatisation ou la robotisation peuvent ainsi aider à réduire les accidents, mais aussi en générer d’autres. Il faudra ainsi sensibiliser les travailleurs de l’importance du matériel de protection, qu’il y ait ou non une numérisation.

 

Références

1. Poisson & Chinniah (2014) Observation and analysis of 57 lockout procedures applied to machinery in 8 sawmills, Elsevier, 0925-7535.

2. CCHST (2018) Cadenassage / étiquetage, Fiches d’information réponses SST, tiré de https://www.cchst.ca/oshanswers/hsprograms/lockout.html.

 

Photo par israel palacio via Unsplash.

 

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