Mon collègue, ce robot : relations de travail 4.0
Alors que les entreprises innovent et automatisent de plus en plus de tâches afin d’accroître leur performance, le rôle des travailleurs et travailleuses, lui, évolue également. Dans le contexte de l’industrie 4.0, comment encadrer cette relation entre le robot et la main-d’œuvre?
Les interactions entre l’être humain et la machine dans un contexte professionnel constituent l’un des principaux sujets d’étude du professeur Pierre-Majorique Léger, titulaire de la Chaire en expérience utilisateur, codirecteur du Tech3lab et directeur de laboratoire au Département de technologies de l’information à HEC Montréal.
« On ne peut pas parler d’usine intelligente et d’automatisation sans d’abord s’intéresser aux humains qui sont sur place, qui sont la soupape de sécurité de la machine, le dernier rempart du processus », relève Pierre-Majorique Léger.
Celui-ci explique cependant que, plus que jamais, les travailleurs et les travailleuses font face à de nombreuses distractions. « On parle de plus en plus d’une économie de l’attention, où des entreprises paient pour avoir vos yeux, explique Pierre-Majorique Léger. On est donc dans une économie de distraction et, essentiellement, dans des milieux de travail où ces distractions sont parfois nombreuses. »
Des risques évitables
Un manque d’attention au mauvais moment – une « indisponibilité cognitive », comme l’appelle le professeur Léger – peut être à l’origine d’une erreur, d’un bris ou d’un accident de travail aux conséquences potentielles multiples : arrêt des opérations, perte de revenus, des blessures ou même la mort d’un employé ou d’une employée.
L’automatisation des procédés et le recours à l’intelligence artificielle provoquent aussi une dégradation des compétences chez bon nombre de professionnels et professionnelles, une problématique à laquelle Pierre-Majorique Léger et son équipe tentent aussi de trouver des solutions.
Des causes et des stratégies
« Dans un contexte industriel, une distraction, ça ne pardonne pas toujours, résume Pierre-Majorique Léger. C’est pourquoi nous utilisons la neuroscience pour nous aider à comprendre le processus de distraction. »
L’équipe du Tech3lab a notamment étudié l’interaction de jeunes travailleurs et travailleuses qui avaient suivi une formation pour utiliser l’intelligence artificielle dans un contexte professionnel. Elle a aussi œuvré auprès du personnel de la NASA dans son projet de recherche.
« On s’intéresse non seulement à ce qui provoque et à ce qui génère l’inattention en milieu de travail, mais aussi aux mécanismes qui gardent attentif tout en permettant de construire et de préserver la compétence chez les travailleurs », relate Pierre-Majorique Léger.
À partir de ses constats, le groupe de recherche a élaboré des stratégies pour déjouer la distraction. Celles-ci, appelées contre-mesures, ont été mises à l’essai dans l’usine-école d’Airbus, en France, avec des résultats concluants.
« On a démontré qu’on est capables de ramener l’attention des gens et de créer des contextes dans lesquels on réduit les risques pendant que les travailleurs maintiennent leurs compétences », se réjouit le professeur Léger.
Le fruit des recherches de l’équipe du Tech3lab et ses solutions innovantes ont été abordés dans le cadre d'une table de discussion sur l'importance de l'interaction humain-machine, le 30 novembre 2023, à la suite de l'Assemblée générale annuelle de Genium360. Les membres participants ont pu profiter de la grande expertise du Tech3lab de HEC Montréal et de celle des équipe de Deloitte.