La recherche : moteur du génie aérospatial
2020 ne fut pas l’année la plus glorieuse pour l’industrie aérospatiale. Entre les mises à pied et les annulations de commandes de nouveaux appareils, certains étudiants en génie aérospatial s’inquiètent de leur avenir. Nous rencontrons aujourd’hui David Brzeski, étudiant à la maîtrise au Laboratoire de mécanique multi-échelles (LM2) de Polytechnique Montréal, qui malgré la crise, continue de persévérer dans son domaine, car dans son cas un changement de carrière est inenvisageable; l’aviation est sa passion.
Et la crise frappa
M. Brzeski complétait des cours spécialisés à l’étranger lorsque la première vague déferla sur le monde et dut rentrer d’urgence au Canada avant la fermeture des frontières. Dépité, il tente alors de reprendre son projet de maîtrise. Malheureusement, l’accès aux laboratoires étant restreint il lui fut difficile pendant plusieurs mois de faire avancer ce dernier de la maison. Cependant, grâce à sa résolution et à plusieurs nuits blanches, il réussit à rattraper son retard pour aujourd’hui nous présenter son projet novateur, un matériau multifonctionnel compatible avec un processus de fabrication additive par extrusion.
D’une pierre deux coups
« Lorsque je cherchais mon projet de maîtrise, j’ai demandé à des gens de l’industrie où se trouvait le besoin de main-d’œuvre qualifiée en ingénierie et la réponse était chaque fois l’automatisation dans la fabrication et le développement de matériaux de haute performance et multifonctionnels », nous confie M. Brzeski. Il vise alors un projet s’attaquant aux deux problématiques simultanément.
M. Brzeski s’intéresse plus particulièrement au matériau abradable déposé entre la soufflante et le carter moteur. Ce dernier a pour fonction de base d’empêcher les fuites d’air causant une consommation accrue de carburant, tout en évitant aux pales de toucher le carter lors de leur expansion. Historiquement, ce matériau est appliqué à la main et peut ainsi comporter des défauts qui peuvent à leur tour forcer la reprise d’une section et donc engendrer des coûts supplémentaires.
« Si on imagine l’ajout de fonctionnalités inédites à ce matériau, comme l’intégration de capteurs d’usure, l’habileté de refermer des fissures par soi-même ou autres, on se heurte à une problématique importante. Effectivement, les matériaux disponibles sur le marché actuellement se prêtent mal à une fabrication de haute précision », nous affirme-t-il. Son projet : développer un matériau composite qui puisse être imprimé directement sur des surfaces courbées, sous la forme de revêtement avec des chambres internes.
Infrastructure grande échelle avec un demi-carter.
Processus de développement
Le développement de ce matériau est ardu vu sa nouveauté. Aucun test ou méthodologie n’existent et ceux-ci doivent donc être développés et documentés au fur et à mesure. Plusieurs critères doivent être méticuleusement analysés tout au long du processus de développement dont l’imprimabilité, l’abradabilité, et la performance mécanique. Sa densité doit elle aussi être surveillée, car comme tous les voyageurs le savent, le poids est une considération importante lors d’un voyage en avion. Le nouveau matériau permet la fabrication de structures similaires à un nid d’abeille très fin plutôt qu’un revêtement plein plus lourd ayant la même fonctionnalité, un autre avantage de cette innovation.
« Le développement du matériau et de la méthodologie représente 80% de mon travail, le 20% restant va au développement de l’infrastructure qui nous aidera à transposer la fabrication à plus grande échelle pour optimiser les temps de production », nous explique M. Brzeski. Une vingtaine de personnes réparties entre deux groupes de recherche s’affaire à ce projet. Le matériau développé par M. Brzeski n’est donc qu’une des multiples facettes du projet qui vise à améliorer la performance des moteurs aéronautiques.
Dans chaque crise, une opportunité
Puisque ses perspectives professionnelles à court terme ne sont pas des plus reluisantes, M. Brzeski se rassure en se disant : « Je regarde le tout du point de vue du réseau et des connaissances que j’acquière pendant ma maîtrise et la pérennité de ma recherche compilée au sein de ma thèse. C’est mon effort pour l’avancement de la science. Bien que je demeure à l’affût des opportunités d’emploi, je vais peut-être pousser le tout jusqu’au doctorat; cette crise m’en offre l’opportunité. » Comme quoi dans chaque crise existe une opportunité à saisir.