Brexit… à vos souhaits ou comment rater sa gestion de projet!

En gestion de projet, saviez-vous que seul un tiers1 des projets atteint les objectifs visés lors de son lancement? Pourquoi? Le plus souvent parce que des règles élémentaires ne sont pas respectées. Démonstration avec le … Brexit!

Inutile de vous présenter le feuilleton du Brexit2, mais comment ne pas s’interroger sur la gestion d’une idée, d’un projet, qui représente une transformation majeure d’un pays, quand on constate, plus de trois ans après le vote qui l’entérine, qu’il n’a pas encore été mis en branle. Se peut-il que des règles de bases de la gestion du changement, des facteurs de succès clés d’une transformation n’aient pas été respectés?

Gestion de projet : retour vers le futur

Le déclencheur est connu. Eurosceptique, le leader conservateur, David Cameron, propose à ses concitoyens de sortir de l’Europe. Le 23 juin 2016, désormais premier ministre, il consulte les Britanniques sur l’éventuelle sortie de l’Union européenne. Le Oui l’emporte de peu (51,9 %).

Impliquer les personnes concernées en gestion de projet

En proposant et organisant un référendum sur le sujet, on ne peut pas dire que les principaux intéressés n’ont pas été consultés. L’un des principes de base de la gestion du changement et de la transformation, impliquer les utilisateurs, a donc été respecté. Mais cela ne suffit pas. Encore faut-il qu’ils comprennent ce que la décision implique, ce qu’elle change dans leur vie, et comment cela va se faire. Cela n’a de toute évidence pas été clairement exprimé!

Évaluer la portée d’un projet…

On doit s’interroger sur la portée d’un projet, surtout quand on sait, dès le départ, que ce projet divise. Comment s’étonner de l’opposition des Écossais qui ont majoritairement, (à plus de 60 %), voté contre la sortie de l’Europe, mais qui se retrouvent aujourd’hui de facto condamnés à la quitter. On imagine sans peine combien il est difficile de leur « vendre » le : What’s in it for me? du projet. Idem pour les Irlandais à qui on a oublié de préciser que la sortie de l’Europe signifiait le rétablissement de la frontière qui sépare le sud du nord.3

Et les risques en gestion de projet

Ils sont aujourd’hui nombreux, 7 % selon les derniers sondages, à avoir voté pour la sortie de l’Union européenne, mais à aujourd’hui vouloir y rester. Pourquoi? Ils s’estiment trompés : « Tout ce qui nous a été dit était un mensonge ». Certains ont même lancé une campagne en ligne, nommée Remainer Now. Et nous ne parlons pas des discussions qui s’éternisent, qui irritent les pour, les contre, et une majorité d’Européens.

Convaincre, expliquer, encore et encore aux parties prenantes

On pourrait dire que le message et le projet étaient simples, clairs et précis. Souhaitez-vous rester dans l’Union européenne : oui ou non? Certes … On oublie de préciser, que l’on a oublié de discuter et de présenter certains enjeux majeurs.

A-t-on expliqué, par exemple, aux Irlandais, du Nord et du Sud, comment ils vivraient demain, aujourd’hui donc, si la Grande-Bretagne, incluant l’Irlande du Nord, quittait l’EU, alors que la République d’Irlande, l’Eire, souveraine et non concernée par le référendum, y resterait, et que Londres ne souhaite pas rétablir de frontières entre les deux territoires? Aucune solution n’a encore été trouvée à ce jour.3 4

A-t-on expliqué aux entreprises qu’elles devraient renouer avec de complexes procédures administratives pour commercer avec l’Union européenne? Quid de l’engagement, de la sensibilisation, de l’accompagnement, de l’adhésion?

Avoir un sponsor, un parrain fort

Celui qui a fait du référendum son projet, le premier ministre David Cameron, a quitté le gouvernement peu après le référendum, qu'il a initié avant de faire campagne pour le maintien. Il a été remplacé par Theresa May, qui a maintes fois été désavouée par le parlement, qui ne parvient pas à faire l’unanimité au sein même de son parti et a finalement … démissionné pour être remplacée par Boris Johnson, dont le sort ne tient qu’à un fil, et qui s’oppose au parlement.

Avoir un comité de direction fort et uni

Theresa May, contestée de toute part, a vu plusieurs de ses ministres démissionner, avant de démissionner elle-même. Aujourd’hui, personne ne sait combien de temps Boris Johnson résistera, alors qu’il se bat contre les parlementaires de son propre parti. Vous avez dit : Leader fort? Comité de direction uni?

Quelle que soit l’ampleur d’une transformation, sa nature et ses objectifs, des principes de base s’appliquent, si l’on souhaite la mener à bien. Le dogmatisme, l’absence de concertation de préparation, de communication, n’ont pas leur place. L’ouverture, la consultation, la communication, la prise en compte de la culture de l’entreprise sont des incontournables. Et pourtant…

 

1 Lisez Comportements et taux de succès des projets. Un lien?, Manon Champagne, co-fondatrice, présidente et conseillère stratégique, Aplus

2 Le mot Brexit est un mot-valise anglais construit sur le principe de contraction des mots Britain (« Grande-Bretagne ») et exit (« sortie »).

3 La dernière en date s’appelle le « backstop », ou « filet de sécurité », qui est une clause temporaire de sauvegarde pour conserver cette frontière ouverte aux biens et aux personnes.

 

Photo de couverture par James Claffey via Unsplash

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