Bâtisseur de communautés

Le génie et le social, des ponts encore à construire? Le parcours du cofondateur de la coopérative de solidarité Niska, spécialisée dans le développement des collectivités, est à cet égard très parlant. Karl Lussier est diplômé en génie civil de l'Université McGill. Avant même la fin de ses études, il sent qu'il doit étendre son analyse des situations au-delà de leurs aspects techniques... Retour sur les grands jalons du chemin suivi par cet ingénieur civil de formation en quête de sens à donner à sa pratique professionnelle.

Le déclic

Ayant suivi sa scolarité en Ontario, Karl Lussier doit faire une année supplémentaire à la fin du bac pour obtenir le diplôme. Il saisit l'opportunité d'une mission d'arpentage au Guatemala dans le cadre d'un programme de stages du Centre d'étude et de coopération internationale (CECI). En plus de l'exotisme de l'expérience, il découvre toute la complexité des dimensions géopolitiques et socioculturelles d'un projet. Il s'agit non seulement de calculer le meilleur tracé de la future route, mais aussi de contribuer à rassembler des familles, à relier des villages et à réintégrer à la société des expatriés qui ont fui la guerre civile. « À la fin de cette mission, je me définissais comme un ingénieur social. Je faisais le pont entre ma formation technique et mes valeurs. Je réalisais que le génie est un instrument pour faire du développement. »

La quête

L'expérience l'ouvre donc à la coopération internationale, un domaine pour lequel son intérêt grandit. Si bien qu'à son retour dans la province, il se voit moins comme ingénieur. Son parcours se fait néanmoins plus ardu. En attendant l'emploi qui sera à la hauteur de ses aspirations, il fait du bénévolat à Ingénieurs sans frontières, puis au CECI, où il s'implique de plus en plus. Karl Lussier est alors séduit par le poste d'agent de programme que lui propose le centre, cette fois en Bolivie. La responsabilité de l'accueil de stagiaires lui fait sillonner le pays pendant 3 ans et demi.

La révélation

Karl Lussier revient avec l'idée de s'inscrire à un programme de maîtrise en gestion du développement local à l'Université de Sherbrooke. Fort de son expérience terrain et de sa formation en génie, il reçoit cet enseignement comme une révélation. Celle de sa profession en devenir : concepteur de systèmes sociaux. La maîtrise lui donne l'outillage conceptuel nécessaire à l'intégration du facteur humain dans la conception de systèmes qui sont dynamiques et évolutifs. Et son directeur et mentor nourrit son inspiration. Il faut préciser que le professeur émérite Paul Prévost a été un pionnier du développement local au Québec.

Un nouveau départ

L'élève et le maître forment avec d'autres étudiants une équipe de recherche qui se tourne vers la recherche-action. Elle accompagne notamment les décideurs dans leurs démarches de planification stratégique. Cela amène ce groupe de chercheurs à créer une entreprise qui puisse remplir des mandats de consultation et de soutien. Précisément parce que la collaboration et la participation sont au cœur de sa mission, Niska naît sous une forme coopérative. Son actuel président, Karl Lussier, est parvenu à se construire sa propre profession : bâtisseur de communautés, dans sa région comme à l'international.

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