Génie-conseil : le parcours de Marie-France Pisoeiro

Le génie-conseil est un univers fonctionnant à un rythme effréné, parfois même étourdissant. Le paradoxe d’un tel milieu où le travail ne semble jamais s’achever et où il existe la possibilité de travailler et de se perfectionner autant qu’on le désire, c’est qu’il faut se laisser le temps d’apprendre pour y durer. Il faut tempérer son ardeur, se donner le temps de croître.

Il faut accepter qu’on ne parvienne pas à un stade avancé d’expertise et d’autonomie avant plusieurs années. Ce constat échappe, me semble-t-il, à l’air du temps qui carbure davantage à l’instantanéité qu’à la patience. Pour faire un pas de recul sur cette réalité, je me suis entretenu avec Marie-France Pisoeiro, ingénieure et directrice, mécanique et électricité, chez FNX-INNOV.

Elle avait plusieurs bons conseils pour les jeunes qui visent une carrière d’ingénieur-conseil.

Ingénieure-conseil

Marie-France a 15 ans lorsqu’elle amorce ses réflexions sur son avenir professionnel. Une profession inusitée ne cesse de lui revenir à l’esprit, soit celle d’astronaute. « J'ai toujours voulu voyager dans les étoiles. Plus jeune, je me demandais ce que je pouvais faire pour devenir astronaute. En m'informant, je me suis rendu compte que beaucoup d'astronautes ont une formation en génie à la base. Donc, je me suis informée sur les formations en génie et j'ai décidé de poursuivre des études en génie mécanique. »

Elle s’inscrit donc à l’École Polytechnique de Montréal. Malheureusement pour la NASA, Marie-France s’intéresse à un autre champ de spécialisation que l’astronautique. « Pendant mes études, j'ai eu un intérêt marqué pour la thermodynamique et l'énergie, puis de fil en aiguille j’ai découvert la mécanique du bâtiment. J’ai par la suite amorcé ma carrière chez SNC-Lavalin où j’ai travaillé pendant environ 13 ans. » Elle poursuit ensuite sa carrière chez AXOR Experts-Conseils, puis chez FNX-INNOV.

Ainsi, on peut dire que Marie-France est une ingénieure-conseil pure et dure.

Faire sa place

Marie-France reconnaît avoir eu un parcours relativement traditionnel en génie. Elle a beaucoup travaillé sur le plan technique, en particulier au début de sa carrière où elle a pu compter sur le soutien de mentors compétents et attentionnés. « J'ai eu beaucoup de mentors qui m'ont aidé à me développer sur le plan technique. Mes mentors ne me donnaient pas tout cuit dans le bec, mais ils prenaient le temps de me fournir des pistes et me donnaient beaucoup de soutien. Quand tu commences, c'est précieux d'avoir des ingénieurs seniors qui te parlent de leurs bons, mais aussi de leurs mauvais coups. »

Malgré son expérience, elle insiste pour dire qu’elle continue d’apprendre tous les jours et qu’elle est heureuse de côtoyer la relève. « Si ça fait 20 ans qu'on fait partie d'un domaine, ça ne veut pas dire que l'on connaît tout. C'est intéressant de parler avec d'autres ingénieurs expérimentés. Aussi, parler avec des plus jeunes, ça nous fait voir les choses sous un autre oeil. Les jeunes arrivent motivés et avec des points de vue particuliers, notamment sur l'efficacité énergétique et la nouvelle technologie. Il faut être à l'écoute de ça, car il y a parfois de bonnes idées dans ce qu'ils disent. C'est ça le génie, c'est de l'apprentissage tous les jours. »

À savoir comment faire sa place dans le domaine du génie-conseil, Marie-France a quelques conseils. D’abord, elle croit que de viser une spécialité est essentiel parce que le domaine est vaste. Ensuite, la volonté doit être au rendez-vous. « C'est sûr que de suivre des cours dans la spécialité de notre choix est un bon départ. Je dirais aussi qu’il faut tester si le milieu nous convient. Normalement, après trois ou quatre mois, tu sais si tu es fait pour le génie-conseil ou pas. C'est un milieu où ça va vite, où c'est bouillant. (...) Ce n'est pas toujours un travail de neuf à cinq, mais parfois de cinq à neuf! » Celles et ceux qui recherchent la tranquillité sont avertis!

Collaboration et patience

Un ingénieur-conseil qui veut avoir du succès doit de surcroît apprendre et pratiquer la collaboration, selon Marie-France. « C'est sûr que dans le génie-conseil, la collaboration est extrêmement importante au sein de l'équipe technique, mais également avec le client. Le mieux est que tout le monde soit là pour faire fonctionner le projet. Le succès d’un projet passe définitivement par l’implication de chaque intervenant. C’est un travail d’équipe à tous les niveaux. Ce que les jeunes doivent constater, c’est que le génie-conseil est un domaine relationnel. »

Elle insiste également pour dire qu’il faut se laisser le temps de croître et d’apprendre la pratique, conseil qu’elle a elle-même reçu à ses débuts. « En début de carrière, je me mettais beaucoup de pression. Voyant cela, mon premier patron m'avait dit que ça prenait dix ans avant de former un bon ingénieur-conseil. Ça m’a tout de suite fait souffler. Ce que je dirais aux jeunes, c'est d'être patients, de connaître leurs limites et d'être honnête par rapport à ces limites. Il ne faut pas hésiter à aller chercher de l'aide si on en a besoin. »

Paradoxalement, même si le génie-conseil est un milieu où les choses bougent rapidement, il ne faut pas se presser d’y atteindre des objectifs professionnels irréalistes en pratique. Il faut se dépêcher en prenant son temps, quoi! Celles et ceux qui en sont capables peuvent d’ailleurs évoluer dans ce milieu pour belle lurette. « C'est un domaine où tu peux travailler longtemps parce qu’il est stimulant. Il y a beaucoup d'ingénieurs en âge de la retraite qui sont consultants à temps partiel, à trois ou quatre jours par semaine ou qui ne travaillent que six mois par année. »

Entre technique et gestion

Beaucoup de jeunes ingénieurs croient qu’un jour ils devront faire un choix entre la technique et la gestion. Nous connaissons tous des ingénieurs ayant dû, à regret selon leurs dires, mettre de côté la technique pour pouvoir progresser sur le plan professionnel (et salarial). Faux dilemme ou dure réalité? Passionnée par la technique, Marie-France croit qu’il y a moyen de concilier les deux. « Je ne suis pas capable de mettre la technique de côté. J'ai des responsabilités en termes de gestion aujourd'hui, mais j'aime voir se construire ce qui est conçu sur papier. J’aime travailler avec les jeunes et partager ce que je connais à travers des revues de conception. Je crois que je vais toujours m'impliquer [du côté technique]. »

Elle reconnaît finalement encore à ce jour vivre un mélange d’angoisse et d’excitation lorsqu’elle appose son sceau d’ingénieure, geste distinctif de la profession s’il en est. « Quand tu fais ça, tu te remets toujours en question. Tu te demandes si tu as tout prévu, si tu n’as rien oublié et tu dois t’assurer d’être bien documentée. Il y a une responsabilité qui vient avec cela et chaque fois que je mets mon sceau, encore à ce jour, ça me fait quelque chose et j’en demeure toujours aussi fière. »

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