Chérie, j’ai réduit la semaine…

« Nous devrions travailler pour vivre et non vivre pour travailler » paraphrasant Molière1, Microsoft a testé l’été dernier la semaine de quatre jours. Réflexion sur le sujet.

Au Japon, en août 2019, Microsoft2 a proposé à ses 2 300 employés d’expérimenter la semaine de 4 jours, du lundi au jeudi, sans perte de salaire. L’entreprise a aussi limité les réunions à 30 minutes et encouragé le personnel à communiquer par courriel.

De l’avantage de travailler moins

Quel bilan peut-on tirer de cette expérience et de la réduction du temps de travail en général?

Bilan humain

Chez Microsoft, on a constaté que les employés avaient pris moins de congés que l’année précédente pendant la période de test.

On pourrait dire que cela procède d’une certaine logique, puisque de nombreuses études admettent qu’un corps et un esprit reposés permettent d’être plus efficients. Écourter la semaine de travail contribuerait ainsi à améliorer la qualité du travail autant qu’à réduire sa charge.3

Bilan écologique

Au Japon, la consommation d’électricité du bâtiment a diminué de 23,1 % et la quantité de feuilles imprimées a baissé de plus de 55 %. Là encore, pour le premier chiffre, il s’agit d’un effet mécanique logique sachant que des bureaux inoccupés demandent moins d’énergie que des bureaux utilisés.

On pourrait aussi considérer les déplacements (Microsoft ne les a pas pris en compte ou n’a pas communiqué sur le sujet) : se rendre au travail implique des déplacements et des dépenses de consommation qui ont un coût environnemental. Fort naturellement, cet impact diminue lorsque le nombre de déplacements diminue.

Bilan économique

Chez Microsoft, la productivité a augmenté de … 40 % par rapport à 2018. Cela tend à confirmer ce que plusieurs études démontrent : travailler moins nous pousse, nous oblige, à prioriser les tâches qui comptent vraiment et à éliminer celles moins utiles.3  Au final, nous sommes donc plus efficaces.

Au-delà de l’impact sur la productivité stricto sensu, les études soulignent que, généralement, le temps de travail peut également avoir un impact sur le nombre d’erreurs commises et le nombre d’accidents du travail. Comme on est plus reposé, on est plus alerte et moins prompt à commettre des erreurs.

Travailler moins : une idée pas si neuve

L’idée de travailler moins n’est pas nouvelle. L’économiste, John Maynard Keynes, prédisait, il y a près d’un siècle, que l’on pourrait se contenter de ne travailler que 15 heures en 20304.

Depuis, de nombreuses publications, certaines de l’Organisation internationale du travail, démontrent que réduire le temps de travail accroît la productivité, la qualité de vie des employés, etc. Ce que la période d’essai chez Microsoft a confirmé l’été dernier. Reste à savoir si cette tendance se confirmera l’été prochain, une fois l’enthousiasme lié à la nouveauté disparu.

L’exemple français

Sans passer à la semaine de quatre jours, la France a généralisé les 35 heures hebdomadaires au début des années 2000, tout en proposant certains aménagements. Près de 20 ans plus tard, cette mesure, malgré certains amendements, reste très discutée et alimente encore les discussions.

Le futur exemple anglais?

En septembre 2019, le député travailliste anglais John McDonnell s'est engagé à instaurer la semaine de travail de 32 heures ou de quatre jours, sans perte de salaire, dans un délai de dix ans.3

Un exemple généralisable?

Plus que satisfait, Microsoft a décidé de renouveler l’expérience en 2020, mais cette proposition est-elle généralisable à tous les types d’entreprises? Il existe plusieurs limites à cette évolution.

Nos envies

Certaines sont reliées à nos propres envies. Ainsi, une étude anglaise4 a montré qu’entre une augmentation de salaire ou davantage de vacances, une majorité choisissait de gagner plus.

Les coûts

De plus, même si nous le voulions tous, nous ne pourrions sans doute pas tous passer à une semaine de travail de quatre jours, ou de 20 ou 30 heures. Pourquoi? Parce qu’il est souvent, par exemple, moins coûteux pour un employeur d'embaucher une personne et de lui faire faire, éventuellement, des heures supplémentaires, que d'embaucher deux personnes.

Les horaires

Enfin, ce qui est envisageable pour une entreprise B2B, peut-être plus difficile pour une entreprise de services (B2C), à moins que, par exemple, le choix du jour de semaine non travaillé ne soit pas le même pour tout le monde afin de permettre à l’entreprise d’être « ouverte » sur la plage horaire la plus large possible.

Et puis, travailler quatre jours sans baisse de salaire n’est pas viable financièrement pour toutes les entreprises. Cela a un coût! Microsoft, une multinationale, est en mesure de l’assumer, gageons que cela n’est pas donné à toutes les entreprises petites ou moyennes notamment.

Un exemple québécois de solution hybride

Osedea5, une entreprise québécoise spécialisée qui développe des applications web et mobiles,  a testé la semaine de 4 jours, sans perte de salaire, mais seulement une semaine sur deux, car il n’était pas viable financièrement de le faire chaque semaine.

De plus, le jour de la semaine qui n’est pas travaillé n’est pas le même pour tout le monde afin que l’entreprise soit opérationnelle toute la semaine. Un système hybride, un compromis qui fonctionne.

Et vous, qu’en pensez-vous? Aimeriez-vous tester la semaine de quatre jours?

 

Références :

1 « Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger », L’Avare, Molière.

2 Microsoft Japon teste la semaine de travail de 4 jours et sa productivité augmente de 40 %, Radio-Canada, 4 novembre 2019.

3 Travailler quatre jours pour mieux vivre, David Spencer, professeur d'économie et de politique à l'Université de Leeds, La Tribune, 6 octobre 2019.

4 How working less could solve all our problems, Really, TED.

5 La semaine de 4 jours, un mirage?, Infopresse, 22 août 2019.

 

Photo par Marten Bjork via Unsplash.

 

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