Un ingénieur à vélo en Alaska

Francis Lambert, ingénieur, aventurier, bricoleur, passionné de vélo hivernal et de courses d’aventure

Francis Lambert, ingénieur mécanique chez Bombardier, comptait parmi les 50 participants à l’édition 2014 de la course d’aventure Iditarod Trail Invitational qui se tenait en Alaska en février dernier. C'est le goût du dépassement qui lui a permis de compléter les 560 km de l’épreuve reconnue mondialement comme la plus longue course d’hiver d’ultra endurance en 2 jours, 11 heures et 50 minutes.

Francis Lambert, pourquoi croyez-vous avoir été sélectionné parmi les 50 participants à cette course prestigieuse d'envergure internationale?

Puisqu'il s'agit d'une course à petit déploiement, les candidats qui souhaitent y participer doivent soumettre leur candidature qui résumera le parcours sportif et les accomplissements en expéditions hivernales. La première chose dont les organisateurs veulent s'assurer est la sécurité des participants de même que leur capacité à faire face aux conditions extrêmes. Comme candidat, le fait que je participe à des courses d'endurance depuis une dizaine d'années a certainement pesé dans la balance de ma sélection. C'était un rêve de participer à l'Iditarod et je crois avoir été choisi grâce à mon expérience de courses d'endurance, à mon amour de l'hiver et à ma capacité à m’adapter aux conditions hivernales extrêmes.

Vous avez complété la course de 560 km en 2 jours, 11 heures et 50 minutes avec un seul arrêt et quatre heures de sommeil. Quels ont été les moments les plus difficiles?

Pendant la course Iditarod, on roule de jour et de nuit. C'est toujours les nuits où l'on est seul, où l'on commence à avoir les yeux qui ferment et où l'on doit continuer à rouler, où il fait froid, alors qu’on sait que le soleil ne se lèvera pas avant quelques heures… qu'on éprouve des creux physiques et émotionnels lors desquels il est plus difficile de trouver la motivation. Ce sont les moments les plus difficiles. Dans la deuxième nuit de la course, je me demandais si j'allais trouver mon chemin... J'attaquais une section difficile en ascension, et j'avais une appréhension, mais j'ai réussi en restant très concentré pour garder le sentier. C'était au milieu de la deuxième nuit, je n'avais donc pas encore dormi depuis le début de la course, mes niveaux d'éveil et d'énergie étaient au plus bas. Il faut dire qu’en participant à la course cette année, j’ai eu beaucoup de chance puisque les conditions ont été exceptionnelles : aucune tempête de neige ou de vent… d'ailleurs, les organisateurs nous ont bien prévenus : « ne vous réinscrivez jamais en pensant que la météo sera aussi clémente qu'elle l’a été cette année! Ce fut une année exceptionnelle! »

Quel a été le moment le plus touchant/motivant de cette course?

Un des éléments que j'apprécie beaucoup dans ce type d'aventure, c'est tout le processus d'avant course, de préparation, de fixation des objectifs, etc. J'éprouve beaucoup de plaisir dans toute la démarche d'entraînement et de préparation. Pour cette course-ci, j’ai eu un plaisir particulier à fabriquer mon propre vélo, ce qui a ajouté un volet pédagogique à ma préparation. C'était quelque chose que je souhaitais apprendre depuis longtemps. C'était motivant puisqu'il y avait un but à apprendre comment fabriquer un vélo. D’autre part, d’expédition en expédition, ce qui me touche le plus, ce sont les gens passionnés qui gravitent autour de moi. Les rencontres avec les bénévoles et les organisateurs sont des plus gratifiantes. Les moments que je partage avec mes amis, ma famille, la communauté autour de moi qui constitue ce réseau avec qui je partage un moment intense, qui me supporte et qui m'appuie, ce sont des éléments forts du processus.

Est-ce qu'être ingénieur vous a apporté un avantage dans cette course?

Oui, avec le travail d’ingénieur viennent souvent la rigueur, le côté analytique, la recherche et la documentation pour tout ce qu’on fait. Mon travail d’ingénieur m'apporte ces forces et cela se transpose dans mes loisirs, notamment dans le cadre des grands défis auxquels je participe.

Pourquoi concevoir votre propre vélo pour participer à l'Iditarod?

Simplement pour le plaisir de concevoir mon propre vélo pour une compétition qui me tenait à cœur! Mais aussi pour le plaisir d'apprendre, de créer, de bricoler des choses de mes propres mains! Il existe des vélos performants en vente sur le marché que j'aurais pu me procurer pour la course, mais c'était surtout pour la fierté de le faire. J'ai recréé un vélo inspiré de modèles qui existent déjà en ajoutant des variantes, en contrôlant les paramètres de dimension. J'ai ajusté le confort, l'ergonomie, la stabilité. Mon côté ingénieur m'a amené à faire des recherches pour trouver comment la géométrie d'un vélo affecte son comportement, sa dynamique et l'ergonomie au niveau du pilotage. Toutes ces recherches m'ont permis de fabriquer un vélo sur mesure pour une occasion très spéciale.

Comment votre passion pour l'aventure et les courses extrêmes vous inspire-t-elle au quotidien?

Je suis un ingénieur bricoleur et le processus de création m'anime beaucoup. Le fait de se donner un problème, de développer les solutions potentielles et de les passer à travers un filtre d'analyse, c'est un processus que j'aime beaucoup et que je retrouve dans plusieurs sphères de ma vie incluant mon travail, mais aussi mes projets personnels incluant mes courses d’aventure. Bien sûr, le fait de se lancer des défis avec des objectifs, de s'outiller en conséquence et d'atteindre ses buts, ça donne confiance en soi. Lorsque je n'atteins pas mes buts, je prends un peu de recul et je fais les ajustements nécessaires pour la prochaine fois. Ça permet de remettre les choses en perspective aussi bien dans le quotidien que dans le cadre des courses où je fais face à des situations extrêmes. Enfin, il est clair que ces grandes épreuves à travers lesquelles on peut grandir et apprendre ont des répercussions dans mon quotidien et m'inspirent à relever les défis de tous les jours.

Lorsque vous étiez plus jeune, quel était votre rêve? Pourquoi vouliez-vous devenir ingénieur?

Ça remonte à mon plus jeune âge où j'ai commencé à démonter des objets pour savoir comment ils étaient faits. J'ai toujours aimé construire des choses à partir d'éléments abstraits. Le côté mécanique m'a toujours intéressé, et le chemin d'ingénieur a été clair assez rapidement. L'ingénierie mécanique me passionne depuis que je suis très jeune et c'est rapidement devenu une carrière de choix pour exploiter mon côté bricoleur dans ma vie professionnelle.

Quel message auriez-vous à partager avec les jeunes ingénieurs de la relève?

L'essentiel c'est de suivre ses rêves et ses passions. Si nos rêves nous amènent à l'ingénierie, ce sera tant mieux, si c'est vers un autre parcours que les rêves nous portent, ce sera tant mieux aussi! Si l'on fait ce que l'on aime, ce qui nous anime, ce qui nous tient à cœur, si l'on suit son instinct, si l’on fait des choses qui nous tiennent à cœur, on ne peut qu'en ressortir grandi, et créer des répercussions positives autour de nous.

Votre prochain défi?

Ma participation à la course Iditarod Trail Invitational est une grande réalisation, c’était un rêve d’y participer. Je saisis chaque moment en profitant de toutes les saisons et je reste ouvert aux opportunités qui se présenteront à moi.

 

 

 

 

 

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